Zone blanche, la nouvelle série événement de la RTBF

Le procureur Siriani (Laurent Capelluto) et le Major Weiss (Suliane Brahim) enquêtent sur les racines du mal. © RTBF
Nicolas Bogaerts Journaliste

Co-production belgo-française, Zone blanche, la nouvelle série événement de la RTBF plonge dans le mystère de meurtres forestiers qui secouent une ville rompue à l’étrange et aux secrets.

Dans une forêt transpercée de pluie, le Major Laurène Weiss (Suliane Brahim) et son adjoint Martial, dit Nounours (Hubert Delattre), découvrent le corps d’une jeune femme, pendue dans une mise en scène macabre. L’enquête, à laquelle va se joindre un procureur excentrique de la ville, va révéler d’autres faits similaires, ainsi que les petites et grandes horreurs qui constellent le quotidien de Villefranche, bourgade paumée dans les collines des Vosges. Comme un air de déjà-vu dans les autres séries maison, La Trêve et Ennemi Public? Un air du temps sûrement, auquel n’échappe pas une série pourtant écrite et imaginée avant ses prédécesseurs.

Dame Nature

Ainsi cette petite communauté isolée, traumatisée par la fermeture de la scierie, est aux prises avec un environnement visuel chargé symboliquement: la forêt, ses crimes et les histoires secrètes qui s’y enfouissent. Auréolée de trois prix au Festival de Luchon (Interprétation pour Hubert Delattre, Meilleure Photo pour Christophe Nuyens et Meilleure réalisation), Zone blanche explore la relation entre l’humain et la nature, lieu de mise en scène de la bestialité (des meurtres), et de la domination (physique sur les jeunes filles enlevées, ou sociale sur les ouvriers de la scierie). Dans la pinède erre un loup solitaire, héraut d’une force occultée vers laquelle Laurène semble irrémédiablement attirée. « Dès que ces éléments étaient en place dans le scénario, nous avons flirté avec les limites du polar, nous explique Mathieu Missoffe, créateur de la série. Nous voulions créer une série hors espace-temps. »

Des personnages ambivalents aux prises avec des rapports de force qui les dépassent, des codes visuels et musicaux (un bar blindé de références US et de country) donnent à Zone Blanche des allures de western crépusculaire: personne ne semble représenter une réelle autorité à Villefranche, si ce n’est Laurène Weiss. Quand les institutions ne marchent plus, la loi du plus fort et la corruption gagnent sur l’esprit de communauté. Rio Bravo au pays des Grandes gueules? Fiction en eaux troubles mais ancrée dans le réel, Zone blanche ne choisit ni entre western et polar, ni entre réel et surnaturel. Les affaires courantes côtoient les meurtres en série, l’étrange s’échappe d’un petit-déjeuner entre Nounours et Weiss, des tracas du procureur avec sa voiture, de la manière dont sont filmés les intérieurs domestiques silencieux. « Les personnages flottent dans une espèce de normalité de l’indicible, dit Mathieu Missoffe. Ils acceptent l’inimaginable avec bonhommie. »

C’est là que l’arrivée du procureur Siriani, qui enquête sur le taux élevé de crimes dans la région, fait mouche. Il est l’étranger qui expose l’inertie, le bancal, éclaire la nuit tel un Dale Cooper mâtiné de Chaplin. Laurent Capelluto donne corps (malade) à ce personnage décalé, drôle mais rigoureux, un brin spécieux. Il n’est pas le seul acteur belge de cette co-production RTBF/France 2: Renaud Rutten, Olivier Bonjour, Thomas Doret, Raphaëlle Bruneau, Michelangelo Marchese forment un casting belge « porteur d’un effet de troupe qui a été important pour cimenter le tournage », reconnaît Mathieu Missoffe. Tandis que Christophe Nuyens (Cordon et Vermist), « dans la tradition des séries flamandes et nordique, a fait des propositions fortes qui bousculent nos habitudes ». Les images et la lumière lient les composantes de Zone blanche et donnent toute son importance au hors-champs, qui invite l’imaginaire et la crainte intime du pire. Car on n’est jamais seul dans les bois.

ZONE BLANCHE, LE JEUDI À 20H30 SUR LA UNE. ***(*)

À (re)voir sur RTBF Auvio.

Trois questions à Suliane Brahim
Suliane Brahim
Suliane Brahim© RTBF

Qu’est-ce qui vous a interpellée dans le personnage du Major Laurène Weiss?

Lors du casting, déjà, dans les scènes avec le procureur Siriani notamment, elle laissait entrevoir une grande force d’esprit, un cynisme et une fragilité évidente. C’est assez rare de trouver cela dans des personnages féminins, cette liberté d’aller et venir, de penser. C’est une taiseuse connectée à la forêt mais dans un duel permanent avec les forces de la nature. C’est très shakespearien et rare dans les fictions françaises.

La dureté de sa cuirasse cache inévitablement quelque chose?

Laurène parle peu mais porte un mystère. Son entêtement est animal. Intrinsèque. Elle s’est construite comme ça. On comprend très vite que quelque chose de son adolescence n’est pas résolu et cela apporte beaucoup de douceur et de fragilité. Son rapport à la maternité, à sa fille ou à ses partenaires dans la brigade amène aussi beaucoup de moments où la cuirasse tombe…

La dimension surnaturelle de la série a joué sur votre manière d’aborder le rôle?

On sentait tout de suite à la lecture l’ambiance particulière dans laquelle les personnages allaient évoluer. Est-ce vraiment surnaturel? La série est « naturelle » par la présence de la forêt. Mythique avec celle du loup. Sombre évidemment avec les corps retrouvés pendus ou gisants au milieu des arbres. En courant dans la forêt pendant le tournage me revenaient des souvenirs d’adolescente quand, avec les copains, on se racontait des histoires de pendus ou de morts, la nuit. Pour se faire peur.

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