Westworld, la nouvelle cartouche HBO
Le 2 octobre, HBO a sorti une grosse cartouche. Portée par Jonathan Nolan, Westworld est l’une des séries les plus attendues de l’année. Et elle ne déçoit pas.
C’est le Far West. Ça y ressemble en tout cas. Westworld est un parc où de riches « invités », confrontés à des situations extrêmes, peuvent chercher qui ils sont. Ou fantasmer sur ce qu’ils auraient rêvé d’être. Tout est possible dans le parc. Quelques règles, néanmoins: plus vrais que nature, les « hôtes », androïdes cow-boys, tenanciers de saloons ou prostituées flamboyantes (tous les clichés du western classique sont réunis), ne peuvent pas blesser les invités. Au contraire des invités qui, eux, peuvent parfaitement assouvir leur soif de violence en tuant les hôtes jour après jour, si l’envie leur prend et que le scénario est préétabli -l’improvisation, dans la limite du raisonnable, est tolérée. C’est au siège futuriste de Westworld, qui domine l’immense étendue du parc, que se trame la narration, les scénarios. C’est là aussi que les androïdes sont programmés, perfectionnés, updatés ou « soignés » pour être réinjectés dans le parc. Rapidement pourtant, de petits bugs vont surgir çà et là: à force de perfectionner « l’humanité » de ces androïdes matérialisés à l’imprimante 3D, ces derniers commencent à développer des réflexes plus humains, des souvenirs, des rêves, des états d’âme. Pendant ce temps, dans le parc, un « invité » récurrent décide de chercher les règles les plus enfuies et les plus inavouables du jeu, quitte à semer la mort sur son passage…
Lancée le 2 octobre sur HBO (et sur Be 1 en simultané), la série événement Westworld a l’ADN truffé de références. Parfois on pense à Frankenstein, pour le côté créatures qui échappent au contrôle de leurs inventeurs. Puis au Truman Show, parce que le parc est rempli de caméras et régenté par une équipe de scénaristes. A la série Real Humans aussi, quand les androïdes s’animent de sentiments humains, voire à Lost quand on réalise que le parc est un monde en soi, tout en sous-couches. Ou encore à The Game, pour l’aspect jeu de rôle dans lequel les règles semblent dépasser les participants… Il y a un peu de tout ça dans Westworld, que l’on doit à Jonathan Nolan (le frère de Christopher) et à son épouse Lisa Joy:mais si l’on se fie aux quatre épisodes que nous avons pu visionner, la série parvient à amalgamer toutes ces références pour y creuser sa propre personnalité. Une personnalité condensée, sophistiquée, riche. Trop? Comme souvent dans la galaxie des fictions estampillées Nolan, on est bluffé par l’envergure des trames scénaristiques. Bluffé et un peu inquiet aussi: s’ils ont pour habitude de saturer leurs scripts de couches de lecture (Memento, Le Prestige, Interstellar –Inception ayant été écrit sans l’aide de Jonathan), on a parfois l’impression que la multiplication des enjeux et l’ampleur des univers qu’ils créent peuvent les dépasser, au point d’en corroder la cohérence. Ici encore, le projet est particulièrement ambitieux: la production s’est même octroyé quelques mois de pause, pour peaufiner l’écriture et s’attaquer aux inévitables noeuds qu’une telle complexité induit forcément. De fait, on se pose énormément de questions sur le fonctionnement du parc, sur la nature des androïdes… et on se demande si Jonathan Nolan et Lisa Joy ont eux-mêmes toutes les réponses.
Intelligence artificielle
Avec le golden boy J.J. Abrams à la production (ils avaient déjà travaillé ensemble sur la série Person of Interest), Nolan se plonge ici dans l’adaptation du film Westworld de 1973, écrit et réalisé par Michael Crichton (dont le fameux Jurassic Park peut s’ajouter aux références auxquelles on pense ici). Avec cette adaptation, le Britannico-Américain creuse les thèmes que les films co-écrits avec son frère ne manquent pas de ressasser: le monde des souvenirs, le subconscient, les rêves, les degrés de réalité, les limites de l’humain, mais également le mythe du justicier… A cela s’ajoute évidemment l’enjeu -absolument central ici- de l’intelligence artificielle et de la conscience programmable. Mais également un méta-regard sur la fiction en tant que procédé, puisque l’on suit littéralement des scénaristes à qui leurs personnages échappent… Autant de couches de lecture que Jonathan Nolan et Lisa Joy tentent, avec pas mal de panache jusqu’ici, de faire cohabiter. Tout en réussissant, sur le fil parfois, à contourner le ridicule que les scènes de western pur, avec leurs codes préétablis, peuvent parfois impliquer. Car au-delà des aspects scénaristiques, Westworld se veut également un grand spectacle porté par des prises de vue aériennes, des décors soignés, une musique improbable (Soundgarden, Radiohead ou The Cure joués au piano mécanique dans les saloons…) et un casting de très haut vol: Anthony Hopkins en créateur du parc, l’éternel et excellent second rôle Jeffrey Wright en programmateur ébranlé ou encore Ed Harris en « invité » ultra-violent, sans compter les acteurs campant les androïdes, à qui de grosses performances sont demandées…
Autant dire que Westworld a tout pour se créer une appréciable fan-base. De là à prendre la relève de Game of Thrones, comme les dirigeants de la chaîne HBO semblent l’espérer? On devrait avoir un semblant de réponse à la fin de la première saison…
Westworld. Série HBO créée par Jonathan Nolan et Lisa Joy. Avec Anthony Hopkins, Jeffrey Wright, Ed Harris. ***(*)
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