Le Petit Journal de Cyrille Eldin, une transition difficile

Sandrine Calvayrac, Cyrille Eldin et Mathilde Warnier, la nouvelle équipe du nouveau "Petit Journal". © Canal +
Fanny Betermier Stagiaire

Pour sa première émission après l’ère Yann Barthès, le programme le plus impertinent de Canal + et son nouveau présentateur, Cyrille Eldin, partaient avec un gros handicap: l’aversion préalable du public. Le résultat final n’aura pas fait grand-chose pour contredire les détracteurs.

Une intervention divine n’aura pas vraiment suffi. Seul dans le noir, Cyrille Eldin reçoit quelques mots réconfortants d’une voix qui sonne plus comme celle de Secret Story que celle de Dieu. Ça sera loin d’être assez pour le sauver des 20 minutes de malaise qui suivront cette séquence. Il faut dire que le public avait enterré l’émission dès l’annonce du départ de son fondateur et présentateur, Yann Barthès, en mai dernier. Lorsqu’Eldin avait partagé le premier trailer du programme avant la rentrée, les spectateurs s’étaient emparés des réseaux sociaux pour signaler leur mécontentement en se désinscrivant massivement des comptes Facebook et Twitter de l’émission. Une telle hostilité aurait même fait flipper Claire Chazal.

Eldin est pourtant loin d’être un novice, aussi bien de l’humour que de l’interpellation comico-impertinente des politiques. Comédien d’origine, il avait déjà eu l’occasion de s’immiscer dans les meetings, les cérémonies, les couloirs et les bureaux des politiques français pour sa séquence Eldin Rapporteur dans le Grand Journal de Maïtena Biraben. Ici pourtant, il galère. Aussi bien dans sa présentation en plateau, trop théâtrale et récitée, que dans son exercice de prédilection: le terrain. Un peu stressé peut-être? Là où il était à l’aise et potache dans Eldin Rapporteur, il ne l’est plus du tout dans une séquence pourtant similaire du Petit Journal.

La production non plus n’est apparemment pas encore très au point. L’ensemble du programme manque cruellement de transitions. Le spectateur se retrouve propulsé d’un mini sketch imitant François Hollande, à un lancement expliquant qu’il n’y a pas d’invité, à un meeting d’Emmanuel Macron pendant 5 minutes. De retour sur le plateau, pas de réaction du présentateur sur le sujet précédent (comme Barthès en avait le secret), on enchaine direct sur une séquence similaire, mais pas la même. Et puis Eldin est vraiment partout: sur la scène qui lui sert de plateau, sur le terrain et dans le public. Tout ça fait très brouillon.

À défaut de l’impertinence, du mauvais goût

Le présentateur profite de son grand soir pour parler du média dans le média via des clins d’oeil à son prédécesseur, aux critiques qu’il a reçues et celles qu’il a lui-même formulées. Après avoir accusé Yann Barthès dans Le Monde de prendre un ton trop moralisateur, lui-même en adopte un presque infantilisant. On dirait plus C’est pas sorcier que le Petit Journal. Pire, au moment de présenter leurs nouvelles jeunes et jolies journalistes, Sandrine Calvayrac et Mathilde Warnier, l’émission et son présentateur deviennent même gênants et misogynes. Les deux jeunes femmes passent pour des novices de premier ordre qui n’auraient pas fait leurs devoirs et appris à reconnaître les différents hommes politiques. En point d’orgue du malaise, Cyrille Eldin vante à Alain Juppé les « atouts » de Mathilde Warnier. Enfin, on vous épargnera de parler plus de la séquence musicale très bizarre de Michel Fau, mélangeant burkini et Pull marine d’Isabelle Adjani.

Jusqu’alors figure de proue de l’infortainment francophone, l’émission a nettement basculé hier soir dans le divertissement tant il y a peu de place pour l’info. Il faut dire que la nouvelle formule dispose de seulement 20 minutes pour développer ses sujets. Rentrée politique et campagne présidentielle oblige, le Petit Journal d’hier s’est uniquement consacré à la couverture des différents meetings ainsi qu’à la rencontre des candidats. Espérons qu’ils sauront à l’avenir faire de la place pour quelques reportages plus internationaux.

L’impertinence aussi est pour l’instant absente des radars, même si, Eldin promet, « on tapera plus tard ». On attend de voir ça. On attend aussi plus de profondeur, d’humour et surtout de structure, autre grande absente d’hier soir. On espère quand même un peu que la première est en fait à prendre au millième degré. On veut bien attendre un peu pour voir si tout le monde se détend et si la machine finit par se roder. Mais c’est sûr qu’après hier soir, ils seront nombreux à ne plus rien attendre du Petit Journal.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content