La série Detectorists, trésor caché venu d’Angleterre

Leur arme: un détecteur de métaux. Leur talent: l'humour.

Malgré le Brexit, Arte.tv a pu faire traverser la Manche à la série Detectorists, et nous fait profiter de cette perle de la télé anglaise dans son intégralité.

Andy et Lance ne cessent de le rappeler à longueur d’épisodes à quiconque ose les désigner de la sorte: non, ils ne sont pas des détecteurs de métaux, mais des détectoristes! Ah ces béotiens… Quand ils n’éclusent pas deux ou trois pintes au Two Brewers Pub, ces deux buddies de Danebury, tranquille bourgade (fictive) du Comté d’Essex, arpentent inlassablement de longs champs bucoliques, leur détecteurs de métaux haut de gamme en bandoulière, à la recherche de quelques trésors que le temps aurait ensevelis.

Raconté comme ça, Detectorists n’a rien de très excitant, on vous l’accorde. C’est pourtant exactement le pas de côté dont Mackenzie Crook, auteur, réalisateur et coacteur principal de la série, avait besoin. Devenu célèbre grâce à son rôle de Gareth dans la version anglaise (l’originale) de The Office, il se retrouvera plus tard dans les deuxième et troisième Pirates des Caraïbes. Crook ne s’y sentira que moyennement à sa place. Le succès de la première saison de Detectorists constituera le prétexte parfait pour fuir Hollywood et une énième participation au mégablockbuster de flibustiers, et se concentrer sur ce show qu’il mûrit depuis 1999 et lui tient particulièrement à coeur.

Il va proposer le rôle de Lance (Crook joue Andy) à un autre Anglais habitué des fastes hollywoodiens: Toby Jones. Souvent cantonné aux rôles de (très) méchants de service (comme dans Captain America ou dans la série Wayward Pines), Jones a aussi incarné un très convaincant Truman Capote dans Scandaleusement célèbre. Ici, en célibataire endurci romantique et ami fidèle, il fait des merveilles.

Après avoir découvert Twin Peaks dans les années 90, on vantait (entre autres) les plans nocturnes et rêveurs sur les feux tricolores suspendus balancés par le vent, ou la forêt mystique aux alentours… Peu de frissons et de mystères à Danebury, mais Crook s’octroie de longs plans sur la campagne anglaise, belle et étonnamment ensoleillée, les abeilles en plein butinage, etc. Car dans Detectorists, la vie s’écoule au (lent) rythme de la chanson du générique -spécialement composée pour le show par Johnny Flynn (David Bowie dans le très décrié biopic Stardust), qui apparaît d’ailleurs en guest, guitare à la main, dans la première saison.

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50 km/h grand max

Lance et Andy ont bien sûr tous les deux un travail, mais leur (petit) monde tourne principalement autour de ces séances de détection. Ils possèdent tous deux, cela va sans dire, leur carte de membre du DMDC (Danebury Metal Detecting Club). On ne manquera aucune des réunions hebdomadaires du club (dans le local des scouts de la ville), où nos deux héros retrouvent entre autres l’improbable duo Hugh-Russell, Terry, l’honorable président du club, et l’inénarrable Sheila, la femme de ce dernier. En trinquant, un verre de l’affreuse limonade faite maison par Sheila à la main, on découvrira les dernières trouvailles mirifiques de chacun, puis on écoutera religieusement la dernière présentation PowerPoint de Terry sur le bouton de chemise, ce trésor insoupçonné…

Chaque saison (trois, toutes disponibles sur le site d’Arte) propose tout de même une intrigue principale, mais on se délecte surtout des divagations de nos deux outsiders revendiqués, assis au pied de leur arbre fétiche, débriefant l’épisode de la veille d’University Challenge (célèbre quiz télé anglais), ou aux prises avec leur pathétique et hilarant duo de Némésis qu’ils appellent, rigolards, Simon & Garfunkel (avouons que la ressemblance capillaire est frappante). On aura aussi droit aux déboires sentimentaux de Lance, un temps libéré de l’emprise de Maggie, sa terrible ex-femme, aux rapports parfois compliqués d’Andy avec Becky, sa compagne, dont la mère est jouée par la regrettée Diana Rigg (légendaire Emma Peel dans Chapeau melon et bottes de cuir et Olenna Tyrell dans Game of Thrones). Dans la troisième et ultime saison, on nous gratifie même d’une ébouriffante course-poursuite automobile -à 50 kilomètres à l’heure grand maximum, et durant laquelle la caméra s’attardera sur un petit lapin sur le bas-côté…

La série a beau avoir été tournée à Framlingham, dans le Suffolk, ville natale d’Ed Sheeran, Crook décrira à la BBC le duo formé avec Toby Jones comme « des stars de deuxième division. Personne ne s’évanouit, personne ne nous offre son corps…« . Il est vrai que Detectorists a initialement été diffusée sur la peu populaire BBC 4 (de 2014 à 2017), mais cela n’a pas empêché le show de remporter plusieurs BAFTA (meilleure sitcom, meilleur auteur de comédie pour Crook, et meilleur acteur de comédie pour Jones).

Crook dépeint aussi sa série comme un hommage inconscient à son père, adepte de hobbies improbables. Elle semble en outre à l’image de son créateur: peu ambitieuse, encore moins tapageuse, rarement moqueuse mais sincère, passionnée, et adepte de plaisirs simples. On s’identifie d’autant plus aux personnages qu’ils nous émeuvent souvent, comme dans la troisième et dernière saison, idéalement conclue.

Coup de théâtre récent: Crook a récemment affirmé à Radiotimes qu’un retour à Danebury ne serait pas à exclure, malgré un agenda surchargé et même s’il n’a absolument rien écrit pour le moment.

En attendant, on songe à se procurer, comme Mackenzie Crook lui-même, un de ces étranges détecteurs de métaux, pourquoi pas? On traînerait alors dans les champs, rêvassant à la danse la plus appropriée en cas de découverte de quelques pièces d’or des temps anciens. Comme dirait Lance, « le truc qui s’approche le plus du voyage dans le temps« …

Detectorists, série créée par Mackenzie Crook, avec Mackenzie Crook et Toby Jones. ****

Disponible sur Arte.TV

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