La Minute vieille fait escale à Bruxelles: visite sur le plateau
Pour la nouvelle saison de ses capsules blagueuses, graveleuses et chorales, Fabrice Maruca a délocalisé sa Minute vieille à Bruxelles. Visite, masquée, sur son plateau de tournage.
« C’est une femme qui rentre à l’hôpital pour une opération. Une opération toute bête. Une appendicite. Une belle femme de 35 ans. Une blonde. Pas mal de mecs la regardent. Ça lui fait rien. Elle a l’habitude. Comme moi dans le temps. » Mi-janvier. Studio Monev, à Sint- Pieters-Leeuw… Dans un intérieur vieillot, papier à tapisser fleuri de grand-mère au mur et assiette de gaufres sur la table, Nicole Shirer, 78 ans, raconte des blagues. L’actrice, habituée des doublages et des seconds rôles (Les Triplettes de Belleville, L’Agent immobilier…), est l’une des quatre comédiennes belges embauchées cette année par Fabrice Maruca pour donner conjointement vie à ses histoires drôles et grivoises.
La Minute vieille est née d’un court métrage tourné par le Nordiste en mai 2008. « Pour le coup, c’était la blague des deux homos dans un avion. Je voulais filmer des gens en train de raconter une histoire drôle et j’ai toujours trouvé que l’antithèse de l’humour gras et salace, c’était les vieilles dames. Je l’ai montré à plein de gens parce que je travaillais beaucoup en télé (il a écrit pour Un gars, une fille, Scènes de ménages, Samantha Oups!). Les chaînes adoraient mais personne ne se lançait. Finalement, on a répondu en 2011 à un appel d’offre d’Arte et on a gagné. »
La série courte est apparue sur les écrans le 2 juillet 2012. Après six saisons en France dont trois filmées chez l’habitant dans les appartements et les maisons des mamies, l’équipe s’est dit qu’il serait amusant de tourner la septième en Belgique. « On voulait changer le casting. Puis je suis originaire de Quiévrechain. Je sortais au Captain, à la Bush. Je connais bien la Belgique. Ma mère est franco-belge. J’ai de la famille à Dour, Quiévrain et Hornu… »
Né en 1973, Maruca a grandi avec les films de TF1. Ceux de Gérard Oury, de Francis Veber. « On n’allait pas souvent au cinéma. C’était la télévision. Pour les blagues, tu avais l’émission Histoire d’en rire. Sinon, c’était Les Grosses Têtes. Tu passes ça aujourd’hui à l’antenne, le lendemain, tu as 10.000 tweets et douze procès. Mais il y a 25 ans, tu n’avais pas Internet. Pour te plaindre, il fallait appeler, ou écrire un courrier, acheter un timbre, aller à la boîte aux lettres. Le genre de truc où tu te dis: je le ferai demain. »
À la fin de cet été, La Minute vieille arrivera à la coquette somme de 237 blagues. Maruca a écrit celles de cette saison à la française et a demandé au producteur belge Michel Israël de les belgiciser, en changeant des mots, des expressions. « Les blagues, je les trouve un peu partout. J’ai essayé d’en inventer mais je n’y arrive pas. Je ne sais pas comment on fait. J’en ai 300 de côté mais elles ne sont pas toutes géniales. Après, il faut les adapter à La Minute vieille . Les mamies se contredisent, elles s’emballent, elles s’engueulent… »
Godes, rires et chansons
« Allez, on y va les jeunes. Quelqu’un peut servir un petit thé chaud à la demoiselle? » Nicole a un petit coup de mou. Il faut dire que la méthode Maruca est exigeante. Les comédiennes ne doivent pas apprendre leur texte. Il leur fait répéter les blagues ligne par ligne comme des perroquets. « C’est dur de retenir une histoire drôle et de bien la raconter. Même des gens de notre âge ont du mal. J’ai donc improvisé cette technique. Je leur fais répéter ce que je dis phrase par phrase. Et puis après, j’assemble mon puzzle. Il y a deux moments horribles: l’écriture et le dérushage. Là, t’es quand même tout seul devant ton écran des journées entières à regarder des mamies qui parlent de bite… »
La Minute vieille doit beaucoup à son rythme et à son découpage. « Fabrice a toute la musicalité en tête, explique la comédienne Janine Godinas. Je suis assise dans mon petit décor avec mon costume et je répète exactement ce qu’il dit. C’est un travail très particulier. Là, on baisse le ton. Là, on va plus vite. Là, plus lentement. C’est un chef d’orchestre. En tant que comédienne, on n’a pas l’habitude. Je pense que tout le monde ne supporterait pas. Moi je prends un accent wallon pour le coup. Je viens de Dinant. Ça m’amuse bien. Au final, ça fait sept jours de tournage pour 30 blagues. »
Outre Janine Godinas et Nicole Shirer, le Français a fait bosser Viviane De Muynck et Nicole Valberg. Le plateau est découpé en quatre salons. Quatre pièces de vie aux décos bien typées. « Je cherchais des accents différents. Plus que de se dire qu’on veut une grosse, une mince, une Portugaise, une Espagnole, on cherche des personnalités. Après, on réfléchit et conçoit le décor en fonction. Ici, tu as une ancienne institutrice un peu sérieuse qui a plein de bouquins mais aussi une bourgeoise d’Uccle et une nana qui vit dans le noir, tire les cartes et aime les empaillages d’animaux. »
Maruca se verrait bien jouer avec les accents français, faire raconter ses vannes en marseillais et en chti… La Minute vieille a été vendue au Canada et au Brésil, et a failli être adaptée en Grèce. « Mais le programme court, c’est pas un truc très international. Les Américains par exemple ne font pas du 2 minutes. »
En attendant, le réalisateur qui a jadis signé quelques clips (Amel Bent, Natacha St-Pier, Anaïs, Marianne James…) vient de terminer Si on chantait, son premier long métrage. « Je l’ai tourné avec Clovis Cornillac, Artus, Alice Pol et Jérémy Lopez dans la ville où j’ai grandi. C’est l’histoire de gens qui livrent des chansons à domicile. Au lieu de t’amener une pizza, ils viennent en scooter te chanter un morceau a cappella. C’est une comédie sociale. Je suis fils d’ouvriers. J’ai connu dans les années 80 les fermetures d’usines. C’est un peu à la Full Monty . » Vous y reconnaîtrez peut-être Chantal Neuwirth, qui enseignait la chimie et la physique dans la comédie P.R.O.F.S avec Patrick Bruel. « J’ai un truc avec les vieux. Elle a 72 ans. Dans le film, elle vend des godes et chante K. Maro. »
La Minute vieille, du lundi au vendredi à 20h50 sur Arte. ***(*)
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