La douce amnésie d’Alias Grace, lointaine cousine de The Handmaid’s Tale

Alias Grace est une fable captivante sur la culpabilité, quoi que parfois légèrement classique. © Sabrina Lantos/Netflix

Après The Handmaid’s Tale, cette nouvelle adaptation d’un roman de Margaret Atwood est certes moins puissante, mais reste bien pertinente. Nous avons binge-racé (vu la saison entière en moins de 24h) cette fable autour de la culpabilité.

Que ce soit dans le monde dystopique de The Handmaid’s Tale ou dans le Canada du XIXe siècle, Margaret Atwood insuffle toujours un propos terriblement moderne et glaçant à ses récits. Alias Grace n’échappe pas à la règle.

Ici adaptée par la cinéaste Sarah Polley (Stories We Tell, Take this Waltz) et tirée d’un véritable fait-divers, l’histoire de la domestique Grace Marks est entourée de mystère. Jugée coupable du meurtre de ses employeurs en 1843, elle passe plus de quinze ans en prison avant d’être évaluée psychologiquement par le docteur Jordan en 1859. Partiellement amnésique, la jeune femme se remémore alors sa vie et les évènements qui ont mené à ce tragique assassinat.

L’utilisation des flash backs est habilement amenée, et le spectateur se laisse progressivement prendre par la main pour entrer dans l’esprit de Grace, grâce à une voix off omniprésente mais pas agaçante. Originaire de l’Irlande, où le conflit entre les protestants et les catholiques fait rage, ce personnage de servante est encerclé par la rébellion, jusqu’à Toronto où des fermiers se sont soulevés contre l’oppression. Une révolte qui gronde en elle, et l’amène à s’interroger sur la notion de hiérarchie et la lutte des classes sociales et économiques. Ces thèmes, déjà présents dans The Handmaid’s Tale, peuvent aisément être reliés au féminisme, visible dans les dialogues et les situations vécues par l’héroïne de la mini-série (dont l’action est concentrée en une saison). La relation entre hommes et femmes est d’ailleurs questionnée avec beaucoup de violence: Grace est harcelée dès son plus jeune âge par son père puis par plusieurs autres hommes, aide ses amies, rejetées par leurs amants, à avorter illégalement… Un point de vue lucide et contemporain, qui se rapproche beaucoup des réflexions actuelles autour de la place de la femme dans la société et du harcèlement sexuel qu’elle subit quotidiennement (l’un des personnages dit notamment: « une femme ne doit pas sortir seule la nuit, ce n’est pas sûr »).

En six épisodes, Alias Grace déroule son atmosphère malsaine en prenant tout son temps, et n’évite malheureusement pas des lenteurs parfois gênantes au visionnage. Mais cela permet pourtant à Sarah Polley de jouer avec son spectateur, qui se demande sans cesse si Grace est coupable ou non, et si ses propos révèlent la vérité ou une simple invention de sa part.

Ces thématiques sont portées par un casting prestigieux, Sarah Gadon (vue dans 11.22.63) en tête. Sa prestation mystérieuse, toujours à la limite de la folie, irradie toute la série et rend le personnage de Grace attachant, malgré son ambiguïté déroutante. L’actrice parvient à être crédible en jeune adolescente comme en cinquantenaire sur le délin avec un naturel étonnant. Elle est entourée par les excellents Edward Holcroft (Kingsman), Zachary Levi (Chuck), Anna Paquin (X-Men, True Blood) et même par le réalisateur David Cronenberg (A History of Violence).

Le final apaisé d’Alias Grace, qui se perd parfois à la limite du fantastique, laisse la porte ouverte à de nombreuses interprétations possibles. Au risque de perdre le spectateur en cours de route, qui ne sait vraiment pas s’il doit se fier au récit de Grace (dont le prénom est sûrement loin d’être anodin) ou non. Est-elle l’instigatrice de ce meurtre sanglant ou seulement victime des autres voire d’elle-même? Chacun le découvrira par lui-même…

Salammbô Marie

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