Iggy Pop retrace l’Histoire du punk

L'appellation punk ("vaurien", "voyou") n'a pas vraiment convaincu à ses débuts. Elle était utilisée en prison pour désigner les mecs qui se prostituent... © GETTY IMAGES
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Un documentaire en quatre parties coproduit par Iggy Pop retrace avec ses principaux acteurs l’Histoire du punk en royaume-uni et aux États-Unis. Real wild child…

« Il y aura toujours un gamin en colère, dans sa chambre, qui criera: va te faire foutre maman. Et pour moi, c’est plus punk que tout le reste. » Keith Morris, du groupe Black Flag, et Legs McNeil, le cofondateur du magazine qui a donné son nom au mouvement, se veulent rassurants: non, le punk n’est pas mort. Il ne crèvera sans doute jamais. Il a la quarantaine solidement entamée et attend en trépignant que son heure sonne à nouveau. Si on oublie la cote en berne du crachat, les temps semblent propices. « On faisait partie d’une génération qui rejetait les concepts et les idées des adultes, se souvient le guitariste Wayne Kramer. Il fallait qu’on fasse quelque chose parce que les adultes faisaient vraiment n’importe quoi. Le MC5 s’est lancé à une époque où un criminel siégeait à la Maison-Blanche dans un mépris total de l’état de droit. »

Série documentaire coproduite par Iggy Pop et la coqueluche de la mode rock’n’roll John Varvatos, Punk retrace en quatre épisodes le mouvement musical le plus nerveux de l’Histoire. Une génération qui voulait bousculer les gens dans leur normalité et afficher leurs différences. Des mecs et des filles qui avaient des trucs à dire. À gueuler même, plutôt. Pour certains convaincus que la musique pouvait changer les sociétés. Mis en musique avec des photos rares et inédites et de vieilles archives vidéo poussiéreuses, ce docu réalisé par Jesse James Miller se construit autour d’interviews originales avec les pionniers et les fleurons du punk américain et les groupes anglais à crêtes (façon de parler) les plus célèbres des années 70.

Le premier épisode s’ouvre sur Iggy Pop parlant des Kinks et s’intéresse essentiellement aux États-Unis. Aux Stooges et au MC5, aux Ramones, aux New York Dolls et à Blondie. Punk avant les punks, l’Iguane est un peu leur père à tous. Leur parrain à tout le moins. « Le monde entier a repris cette chanson, raconte Wayne (devenu Jayne) County à propos d’I Wanna Be Your Dog. Moi-même, je la reprends. Je clôture parfois avec. Je me jette au sol et j’aboie comme un chien. Je lève la jambe et je fais semblant de pisser sur quelqu’un. »

Sylvain Sylvain, le photographe Bob Gruen, Marky Ramone, Danny Fields, Debbie Harry… Un peu en mode Please Kill Me: The Uncensored Oral History of Punk, le bouquin rose de Legs McNeil et Gillian McCain, Punk est une succession de déclarations qui se complètent et se contredisent pour montrer le mouvement dans sa diversité. Raconter « la musique, la mode, l’art et l’attitude DIY qui ont fait cette culture underground de marginaux et d’inadaptés autoproclamés ».

Londres, le hardcore et MTV

Dans le deuxième épisode, Jesse James Miller quitte Detroit et New York, traverse l’Atlantique et file à Londres où il se penche surtout sur le cas des Sex Pistols, de The Clash (Terry Chimes), des Damned (Dave Vanian) et des Slits (Viv Albertine). « Dans le punk rock américain, on cherchait à s’amuser, à faire ce qui nous plaisait et on ne se mêlait pas trop de la situation politique, commente Marky Ramone. Les Anglais étaient davantage engagés. Nous, on voulait s’amuser. »

Le punk est bien plus multiple qu’il y paraît. À la fois musicalement et politiquement parlant. Il a brouillé les frontières entre les genres, a été le terrain de combats divers allant parfois à l’encontre les uns des autres. Miller met en exergue la lutte féministe. « Les femmes n’avaient jamais eu ce genre d’opportunités avant le punk rock. Et waouh, elles avaient de ces histoires à raconter! Probablement plus intéressantes que celles de tous ces vieux croutons. Moi inclus », assène Johnny Rotten, bouffi et théâtral.

Après avoir évoqué l’ouverture, les liens britons avec la musique jamaïcaine, la série documentaire a la bonne idée de s’attaquer dans son troisième volet à la scène hardcore. Plus violente. Moins féminine. Quand elle n’est pas liée, souvent contre son gré, aux suprématistes blancs… Le pertinent Henry Rollins et l’intransigeant Ian MacKaye, Jello Biafra aussi, reviennent sur l’époque des Bad Brains, des Dead Kennedys, de Black Flag, de Minor Threat, des Circle Jerks…

On pouvait se demander à quoi Jesse James Miller consacrerait le dernier chapitre de son docu. Il s’en sort plutôt bien en abordant toute la question de la commercialisation. Le mariage entre le punk, le grand public et le business. C’est l’explosion du label Epitaph, l’ère de Bad Religion, de Rancid, de NOFX, d’Offspring et de Green Day… « On voulait être écoutés du grand public. On voulait infiltrer les masses. On voulait passer à la radio et sur MTV », reconnaît Donita Sparks de L7. Traits d’union avec le surf, le skate, liaisons avec le grunge et le mouvement Riot Grrrl…  » Le punk mourra s’il ne s’adapte pas, menace quand même Kathleen Hanna, s’il ne devient qu’un documentaire où des croulants comme nous se contentent de causer de trucs qui datent de Mathusalem. Le punk, c’est ce que les ados font maintenant. » Une musique féroce, libre, contestataire qui est aujourd’hui plus hybride que jamais. Josh Homme boucle la boucle. « Le punk, c’est un peu comme Batman: « Au moment où vous aurez le plus besoin de moi, je serai là . » C’est l’expression de l’indignation de la jeunesse. Et il y a vraiment de quoi être indigné. » Dont acte.

Punk, série documentaire en quatre épisodes de Jesse James Miller, diffusée les vendredis 05/06 (à 21h05) et 12/06 sur La Trois. ****

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