Girls, la voix d’une nouvelle génération de séries?

Les "Girls" de Lena Dunham dans la saison 5 © HBO
Lola Contessi Stagiaire

La 6e et dernière saison de Girls est actuellement diffusée par HBO. En cinq ans, la création de Lena Dunham aura attiré acclamations et critiques. Délire narcissique et série générationnelle?

La 6e et dernière saison de Girls est actuellement diffusée par HBO. En 2012, la première saison de Girls étonnait et créait la polémique. Dans leurs appartements de Brooklyn, quatre amies branchées d’une vingtaine d’années s’y perdaient dans des hésitations post-adolescentes. Elles incarnaient une représentation tellement idyllique de New York que certains s’interrogeaient sur sa légitimité. Leur cocon bobo était traversé par les petites trahisons, les crises existentielles, les peines de coeur, les vocations artistiques et les délires narcissiques. Marnie (Allison Williams), une brune longiligne irréprochable, tentait de concilier perfectionnisme et aspirations artistiques. Jessa (Jemima Kirke) avait des allures de hippie avec ses longs cheveux blonds, ses robes transparentes et son lourd passé de petits crimes au bout du monde. Shoshanna (Zosia Mamet), jeune première naïve au débit de parole fulgurant, entrait avec fracas dans le monde des adultes. Ses personnages se caractérisaient par leur égoïsme et leur vanité. Mais c’est Hannah, interprétée par Lena Dunham, qui agaçait le plus. Au centre de ce petit cercle de filles, elle menait son monde à la baguette, imposait des vérités souvent blessantes et pérorait sans cesse sur son ambition littéraire. Dès les premières scènes de Girls, elle réclamait de l’argent à ses parents afin de poursuivre sa vocation d’écrivain et se proclamait « voix d’une génération ».

Voix d’une génération, mais de quelle génération?

Après examen, les critiques décelèrent une étrange ressemblance entre le personnage insupportable d’Hannah et sa créatrice-actrice. Les avalanches de selfies, les couvertures de magazines, les paillettes et les tweets de la réalisatrice alimentaient leur hypothèse. Narcissique, assertif à l’extrême, naïf voire ridicule: le personnage public construit par la réalisatrice se rapprochait dangereusement de son équivalent fictif. Au final, l’équation était simple: Lena Dunham = Hannah. Dans sa série, elle entourait son personnage de ses amis branchés, blancs et éduqués, elle revendique un corps de femme qui est le sien, parle de ses aspirations artistiques, arbore un look enfantin… Elle décrivait un microcosme qui est le sien.

Pourquoi on aime quand même

Égoïstes, superficielles et rancunières, les Girls hippies-branchées de Lena Dunham ne peuvent pas être prises au sérieux. Leur égoïsme et franc-parler est accentué au point d’en devenir caricatural et autocritique. Les jeunes bobos new yorkais, Lena Dunham en fait partie, les connait et s’en moque. Les personnages sont finalement si détestables qu’ils paraissent suffisamment drôles et pitoyables pour qu’on les prenne en sympathie. La réalisatrice a également eu le mérite de mettre en scène des filles aux dimensions réelles: blondes, brunes, minces ou grosses. Girls a d’ailleurs introduit un réalisme inédit dans sa représentation des scènes de sexes. Sans entrer dans les détails, elle ne s’épargne ni les pratiques taboues, ni les moments gênants.

La série aura également révélé l’acteur Adam Driver, dont Hollywood s’est visiblement entiché. On ne sait cependant toujours pas exactement ce qu’elle a réveillé: un méchant ou un héros torturé? Il semblerait que non. En lui offrant un rôle de menuisier idéaliste et un peu pervers, elle semble lui avoir construit un personnage sur mesure. C’est quand Adam Driver interprète un jeune branché new yorkais qu’il est le plus convaincant.

On aime Girls pour sa bande-son parce que Britney Spears y côtoie The Vaccines, Tame Impala ou The Troggs. Ce n’est pas par hasard que le premier épisode se clôt sur Wishes and Stars de Ben Harper, et les choix musicaux des autres épisodes confirmeront cette impression: dans Girls, la musique frappe juste et ne s’adresse pas qu’à nos oreilles. La playlist de 20 titres concoctée par Konbini devrait convaincre les plus sceptiques.

Finalement, si la série présente un univers social aussi limité que celui de sa créatrice et si elle clive indéniablement son public en s’adressant à une population particulièrement sensible à cette culture « bobo », elle est surtout une autocritique. Peu importe que les héroïnes de Lena Dunham grandissent ou non dans cette dernière saison, leurs enfantillages ont déjà fait leur effet. Adoptant un regard mi- condamnateur mi-bienveillant sur un milieu socio-culturel, elle est la voix imparfaite d’une génération éphémère construite sur le triptyque « arty-écolo-bobo ».

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