À la télé cette semaine: Le Voleur, Hippocrate, Ce sentiment de l’été…

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Quatre nouvelles séries, une programmation spéciale Lune, des films et des docus: voici notre sélection télé pour la semaine du 5 au 11 janvier.

WINTER OF MOON

Programmation spéciale et spatiale de deux semaines. ****

Dès dimanche 6/1, 20h55, Arte.

Summer of love, Summer of soul, Summer of scandals, Summer of fish’n’chips… Cela fait des années qu’Arte rythme nos étés et nous sauve de la déprime télévisuelle estivale avec des programmations thématiques. Cette année, pour célébrer le cinquantième anniversaire de la mission Apollo 11, le demi-siècle du premier pas de l’homme sur la Lune, la chaîne franco-allemande s’attaque aussi à la grille télé de notre hiver avec deux semaines de films, de documentaires et de concerts. Une grande expédition dans l’espace mêlant science et culture.

Le Voyage dans la Lune de Georges Méliès, Apollo 13 de Ron Howard et Moon, le premier long métrage de Duncan Jones, le fils de David Bowie (06/01). Il y a des jours… et des lunes de Claude Lelouch, La Femme sur la Lune de Fritz Lang (13/01) et La voce della luna de Fellini (20/01)… L’Hiver d’Arte revisite Le Petit Chaperon rouge et Barbe-Bleue avec Neil Jordan (La Compagnie des loups, 14/01) et danse sur la lune avec Michael Jackson (Moonwalker, 18/01).

Présenté par Jean-Michel Jarre, pionnier de l’électro, passionné d’astronomie, qui aura lui aussi droit à son petit docu (Un voyage à travers le son, 11/01), ce Winter of Moon racontera dans un « documenteur » comment les premiers pas de l’homme sur la Lune seraient en fait une fiction tournée par Stanley Kubrick, surenchère de marketing politique et de propagande entre l’URSS et les États-Unis (Opération Lune, 12/01). Il questionnera la fascination qu’ont jusqu’ici exercée sur la pop culture, de Creedence Clearwater Revival à Neil Young en passant par Elton John et David Bowie, l’unique satellite naturel de la Terre et l’exploration de l’espace (La pop a marché sur la Lune, 11/01). Et décortiquera comment les débuts de la conquête spatiale ont fait naître une irrésistible culture populaire au cinéma, dans les séries télé et en bande dessinée (Génération Spoutnik: l’âge d’or de la science-fiction, 18/01). Dans des registres plus historiques et scientifiques voire parfois anxiogènes, Arte proposera le documentaire inédit Alerte aux débris spatiaux (19/01). Relatera l’histoire méconnue de spécialistes allemands qui avaient révolutionné les techniques d’armement sous les ordres d’Hitler et ont ensuite été employés par les États-Unis (Destination Lune: Les anciens nazis de la Nasa, 08/01). Et esquissera une nouvelle géopolitique, celle de puissances voulant affirmer leur hégémonie sur la Terre comme au ciel (Lune, le huitième continent, 08/01). Walking on the moon… J.B.

GALA D’INVESTITURE DE JOHN F. KENNEDY, 1961

Documentaire de John Paulson. ***(*)

Dimanche 6/1, 18h30, Arte.

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« Personne ne s’offusquera j’espère que le monde du spectacle célèbre le nouveau président de la plus grande nation au monde », introduisait avec la coutumière modestie américaine Frank Sinatra le 19 janvier 1961. Lui qui était au sommet de son influence avait joué un rôle clé dans la campagne électorale et avait tout géré de cette soirée exceptionnelle. Le gala d’investiture de John Fitzgerald Kennedy marquait le début de ce que le jeune président appelait « la nouvelle frontière ». Soit un changement profond des rapports entre le show-business, la culture et la politique. Avec son casting diversifié, la présence d’Ella Fitzgerald, de Nat King Cole, d’Harry Belafonte qui entamait une carrière de militant des droits civiques, la cérémonie était le reflet d’une société qui n’exclurait personne. Entre analyse et témoignages, John Paulson signe un éclairant documentaire sur un événement jamais diffusé qui prend la poussière depuis 50 ans dans les archives de l’administration Kennedy… Ce jour-là, la neige s’était mise à tomber si fort que la municipalité avait fait fondre la glace au lance-flammes dans les rues de Washington… J.B.

LE VOLEUR

Film policier de Louis Malle. Avec Jean-Paul Belmondo, Geneviève Bujold, Marie Dubois. 1967. ****(*)

Lundi 7/1, 20h55, Arte.

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Il faut redécouvrir ce film, devenu rare, de cet excellent réalisateur qu’était Louis Malle. Jean-Paul Belmondo y joue un cambrioleur qui revient sur sa trajectoire alors même qu’il est en train de commettre un vol. Librement adapté du roman de Georges Darien par Malle, Jean-Claude Carrière et Daniel Boulanger, Le Voleur nous emmène à la fin du XIXe siècle, de Paris à… Bruxelles, sur les traces d’un hors-la-loi ennemi des pouvoirs, de la bourgeoisie, des possédants. Un personnage auquel le cinéaste s’identifie, nous livrant un de ses films les plus personnels et les plus subversifs. Le réalisateur fêté d’Au revoir les enfants, du Souffle au coeur et de Lacombe Lucien épouse la révolte, l’élan mais aussi la mélancolie du héros. Il trace aussi le portrait en mouvement d’une certaine France. Le tout dans un style sobre, sec, épuré. Un film passionnant, à l’atmosphère très particulière et au propos éveillant encore de nombreux échos un demi-siècle après sa réalisation. L.D.

HIPPOCRATE

Minisérie créée et réalisée par Thomas Lilti. Avec Louise Bourgoin, Géraldine Nakache, Alice Belaïdi, Zacharie Chasseriaud. ****

Lundi 7/1, 20h30, Be 1.

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Trois nouvelles séries inaugurées la même soirée, pour un repas de fêtes visuelles. Aux côtés de Sally4Ever et de The Little Drummer Girl (lire ci-dessous), Hippocrate rompt avec la fiction hospitalière qui, traditionnellement, baigne dans un bouillon de formol, de bons sentiments et de transgressions touche-pipi. Au départ, Thomas Lilti voulait en faire un film, il a bien fait de le déployer en minisérie de six épisodes: il fallait prendre son temps pour exhiber et exprimer tout ce que l’hôpital, et pas qu’en France, génère de souffrances alors qu’il devrait en organiser la guérison ou du moins l’allègement. L’épuisement du personnel, les patients bétaillés, les budgets rabotés. Deux jeunes internes, Alyson et Hugo (Alice Belaïdi et Zacharie Chasseriaud), rejoignent Chloé (Louise Bourgoin, tirée comme une tenture) et Arben (Karim Leklou) dans une service mis en quarantaine en raison d’un risque de contagion et découvrent à quel point l’hôpital et son délire de rentabilité pressent les vivants au lieu de les réparer. À voir d’urgence. N.B.

SALLY4EVER

Série créée par Julia Davis. Avec Catherine Shepherd, Alex Macqueen, Julia Davis. ****

Lundi 7/1, 22h20, Be 1.

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La comédie de moeurs britannique se porte très bien, merci. Alors que le Royaume sombre dans un Brexit qui n’en finit plus d’agoniser, il demeure un grand pourvoyeur de LOL en barres. Surtout lorsque Julia Davis met la main à la pâte. Déjà responsable de plusieurs séries comiques où la noirceur côtoie le grotesque, le cru, le bizarre, l’obscène, elle rajoute ici une couche de masochisme qui fait monter très haut les enchères de l’autodérision. Elle incarne Emma, actrice tricarde, danseuse de discothèque à la vie dissolue, qui va mettre sens dessus dessous celle, bien rangée, de Sally (Catherine Shepherd) et de son fiancé de longue date, David (Alex Macqueen). Mille scènes et détails piquants, torrides, idiots, dérisoires ou carrément grossiers émaillent ce récit panoramique de l’effondrement des illusions pépères et du conformisme. Un soin de pied mycosé au sèche-cheveux, une séance photo bucolique et vaginale, une demande en mariage humiliante… Tout est gonflé mais pointe avec précision dans quelques recoins de notre vécu. Un casting savant, des dialogues bien en bouche, un brin de racolage et la présence de Sean Bean et Lena Headey (Game of Thrones) en guests -dans un registre délicieusement surprenant- montrent qu’en plus de trousser des comédies corrosives, Julia Davis sait parfaitement s’entourer. N.B.

THE LITTLE DRUMMER GIRL

Minisérie créée par Park Chan-wook. Avec Michael Shannon, Alexander Skarsgård, Florence Pugh. ***(*)

Lundi 7/1, 21h25, Be 1.

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Adaptée d’un roman de John le Carré (La Petite Fille au tambour), la série signée du maître coréen Park Chan-Wook nous plonge en pleine guerre froide, fin des années 70. Martin Kurtz (Michael Shannon), agent des services secrets israéliens, enquête sur l’explosion, à Bonn, capitale de la République fédérale d’Allemagne, d’une maison sise en plein quartier diplomatique. Les indices pointent vers l’Organisation de Libération de la Palestine (O.L.P.) et l’un de ses membres, Khalil, déjà responsable d’attentats ciblés sur des Juifs en Europe. Dans une ambiance que n’auraient reniée ni Hitchcock ni De Palma, une petite équipe improbable se forme autour de Martin: Charlie (Florence Pugh), jeune actrice ratée, anarcho-gauchissante et passablement anti-sioniste se retrouve happée aux côtés de Gadi (Alexander Skarsgård), un agent israélien droit dans ses pompes. Leurs cabotinages gâchent un peu l’élégance d’un récit qui met habilement en abyme la notion de jeux de masques dans un monde où le feu et la glace se livrent une guerre sourde de ravages. N.B.

LE PACTE HITLER-STALINE

Documentaire de Cédric Tourbe. ****

Mardi 8/1, 20h50, Arte.

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Cédric Tourbe signe une chronique, captivante et détaillée du fiasco diplomatique qui a conduit à la signature du pacte germano-soviétique en août 1939. Face à Hitler, une Angleterre farouchement anti-communiste et une Union soviétique tenue d’une main de fer par les Bolchéviques, qui joue les inflexibles. L’espoir peut venir de la politique de défense collective proposée et défendue par les diplomates russes. Mais l’Empire britannique semble ne pas s’émouvoir des lois raciales et du réarmement promulgués par Hitler et joue avec ce dernier une périlleuse partie de poker menteur. La France, qui se perd dans une instabilité politique couplée à une rigidité des corps militaires et diplomatiques, n’est pas en meilleure forme. Le monde observe impuissant les transgressions successives du traité de Versailles. Staline se tord la moustache. La mécanique cynique des ego, des calculs et des renoncements apparaît ici au grand jour, qui ouvrira les portes à Hitler et à ce pacte contre nature. Garni d’images d’archives inédites, le documentaire met en avant des hommes politiques brillants, volontaires, les diplomates soviétiques et juifs Litvinov et Maïski. Écartés par Staline, ils laisseront place à Molotov, qui aura toute latitude pour négocier le pacte funeste avec Ribbentrop. Chronique passionnante d’un désastre annoncé. N.B.

IL MIRACOLO

Série créée par Niccolò Ammaniti. Avec Guido Caprino, Elena Lietti, Alba Rohrwacher. ****

Jeudi 10/1, 20h55, Arte.

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Le passage de l’écriture de roman à la réalisation ne va pas de soi. Pourtant, Niccolò Ammaniti, auteur de Je n’ai pas peur et Comme Dieu le veut (prix Strega 2007), a réussi à exfiltrer le regard incisif qu’il pose sur la société italienne contemporaine du papier vers le petit écran avec une maestria peu courante. Tout le monde sait aujourd’hui que le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. Que la foi et le dogme s’arriment à un liant spirituel, métaphysique ou politique (la théorie du ruissellement, par exemple), ils sont, dans Il miracolo, des révélateurs puissants des affres et des méconduites de l’humain. Le miracle dont il est question ici, s’il a un certain degré de réalité dans le récit, est davantage une allégorie vouée à déclencher doutes et questionnements chez les protagonistes, à opérer les premières fissures dans les cuirasses individuelles et les remparts collectifs. Tout contexte chrétien mis à part, peu ou prou ce qu’ont réalisé les saints d’après les premiers récits légendaires relatant leurs miracles depuis l’Antiquité tardive. Les faits: lors d’une descente sous tension dans le repaire d’un parrain de la mafia calabraise, la police découvre une madone en plastique pleurant abondamment des larmes de sang. Mise au secret, analysée sous toutes les coutures, la statuette va mettre l’ensemble des personnages, croyants ou non, face à l’inexplicable et bouleverser les structures de leur vie intime, sociale et publique, alors que l’Italie est plongée dans un débat houleux sur la sortie de l’espace économique européen. Premier d’une cordée prise dans un vent de front, le Premier ministre vacille face aux démons trop longtemps emmurés. Enjeux politiques, famille, modèle du couple: tout cela est passé à la moulinette d’une imagerie sidérante orchestrée par Ammaniti. Opéra, mystères médiévaux, Dante, Virgile, enfers, purgatoire et damnation font chair commune. La langue italienne sublimant ici une dramaturgie tour à tour vociférante, murmurante ou chantante, mais toujours sournoise et lancinante. N.B.

BABY MAFIA ITALIENNE, LE NOUVEAU VISAGE DE LA TERREUR

Documentaire de Raphaël Tresanini et Nicolas Dumond. ***(*)

Jeudi 10/1, 22h15, La Une.

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Derrière une image sans cesse plus séduisante aux yeux des touristes de tout poil, Naples ne peut pourtant bien longtemps masquer son visage schizophrène. Ses plus belles ruelles abritent aussi bien une vision romanesque de la dolce vita qu’une conception toute italienne du gangster élégant, au regard tout aussi enjôleur que la lame est ensanglantée. Avec des arrestations par centaines au début des années 2000, les autorités pensaient avoir redoré le blason d’une cité en détresse. Pourtant, sur ces terres en jachère, de nouvelles pousses ont percé l’asphalte à peine débarbouillée. Cette mauvaise graine, sans la foi en la « famille » des anciens, ni la loi du sacro-saint code d’honneur jadis révéré, incarne la nouvelle trogne du crime organisé. Une cure de jouvence au centre de cette enquête de six mois menée tambour battant, une plongée au coeur des innombrables clans qui consternent même les repentis, des as du barreau qui les blanchissent et des brigades d’élite qui les traquent. Captivant même si l’on a connu plus sexy comme carte postale. M.U.

CE SENTIMENT DE L’ÉTÉ

De Mikhaël Hers. Avec Anders Danielsen Lie, Judith Chemla. 1h17. ****

Disponible en VOD sur UnCut.

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Alors que sort Amanda, le nouveau film de Mikhaël Hers, UnCut propose judicieusement de découvrir son précédent opus, Ce sentiment de l’été.Soit, toute de mélancolie contenue, l’histoire de Lawrence (Anders Danielsen Lie), un jeune écrivain frappé par la disparition inopinée de sa compagne, douleur partagée par la soeur de cette dernière, Zoé (Judith Chemla). Et le film de déployer sa musique délicate entre Berlin, Paris et New York, où leurs chemins vont se croiser au fil de trois étés successifs. Mikhaël Hers traite du deuil et de l’absence avec une rare justesse, à l’abri du pathos mais pas de l’émotion, pour signer une oeuvre d’une fragile et lumineuse beauté. Un film discrètement touché par la grâce. J.F.Pl.

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