À la télé cette semaine: Lawrence d’Arabie, Chuck Berry, Cannabis: quand le deal est légal, La Veuve noire…

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Notre sélection de films, séries et documentaires à voir en télé ou sur Netflix, du 30 mars au 5 avril.

THE LITTLE DRUMMER GIRL

Minisérie créée par Park Chan-wook. Avec Michael Shannon, Alexander Skarsgård, Florence Pugh. ****

Samedi 30/3, 20h30, Be Séries.

Adapté d’un roman de John Le Carré (La Petite Fille au tambour) publié en 1983, la série signée du maître coréen rembobine jusqu’au coeur des années de plomb de l’espionnage international. Quelques années après la prise d’otages des JO de Munich, survenue en 1972, le Mossad traque la moindre menace envers Israël. Un de ses responsables, Martin Kurtz (Michael Shannon), enquête sur un attentat perpétré à Bonn, capitale de la République fédérale d’Allemagne. Les indices pointent vers Khalil, membre de l’Organisation de Libération de la Palestine. Kurtz imagine un plan d’infiltration avec Charlie (Florence Pugh), jeune actrice ratée et passablement antisioniste en son centre. Il charge Gadi (Alexander Skarsgård), un agent droit dans ses pompes, de l’approcher, tâche à laquelle le fringant va singulièrement s’appliquer. Dans une ambiance que n’auraient reniée ni Hitchcock ni De Palma, cette petite équipe improbable se retrouve happée dans une mécanique sournoise. L’élégance du récit met habilement en abîme la notion de jeux de masques dans un monde où le feu et la glace se livrent une guerre sourde de ravages. La mise en scène de Park Chan-wook démantibule le genre du thriller d’espionnage et parvient à s’extraire du contexte historique pour offrir une réflexion sur le mensonge et la vérité, avec Florence Pugh pour noyau incandescent. N.B.

LA VEUVE NOIRE

Thriller de Bob Rafelson. Avec Debra Winger, Theresa Russell, Sami Frey. 1987. ****

Lundi 1/4, 20h55, Arte.

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Elle tisse sa toile avec méthode, patience et minutie. Et quand elle passe à l’action, ses proies n’ont pas l’ombre d’une chance. La Veuve noire du titre n’est pas une araignée, mais cette femme mystérieuse, soupçonnée de tuer ses riches maris successifs pour hériter de leur fortune, pourrait bien mériter son surnom… Futur scénariste de succès comme Rain Man et Le Mariage de mon meilleur ami, Ron Bass voit son tout premier script porté à l’écran par Bob Rafelson. Injustement oublié aujourd’hui, ce dernier fut (il a 86 ans et ne tourne plus) un réalisateur de tout premier plan, proche d’un Jack Nicholson qu’il dirigea cinq fois, notamment dans Five Easy Pieces, The King of Marvin Gardens et un sulfureux remake du Facteur sonne toujours deux fois. Le thriller érotique et noir lui va bien, et ses actrices (Debra Winger et la formidable Theresa Russell) font merveille. Une touche française étant apportée par le talentueux Sami Frey, en victime potentielle de la Veuve noire… L.D.

UNDERCOVER (SAISON 1)

Série créée par Nico Moolenaar. Avec Tom Waes, Anna Drijver, Frank Lammers. ***

Mardi 2/4, 20h35, La Deux.

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Tout commence par une allitération: dans un camping en Campine, le caïd de la production d’ecstasy, le Hollandais Ferry Bouman, a installé son juteux trafic à l’abri des regards. Installé dans une villa confortable non loin de la frontière néerlandaise, sa tranquillité pourrait être de courte durée: deux agents de police s’invitent au milieu des caravanes, tentent d’approcher son organisation, d’infiltrer son réseau et de le mettre à terre. Cette production belgo-hollandaise de la VRT place son intrigue dans les terres grasses du Limbourg. Comme l’avait fait Beau-Séjour auparavant, elle excelle dans la dépiction du quotidien et de l’atmosphère du lieu et de ses occupants. Les problèmes de couple de Bouman, sa femme délaissée, et les rivalités mesquines entre Flamands et Hollandais offrent des intrigues parallèles qui nourrissent un récit policier de forme classique, un polar des Polders qui coche toutes les cases de la satire violente, glauque et des idées noires propres aux plats pays. N.B.

CANNABIS: QUAND LE DEAL EST LÉGAL

Documentaire de Xavier Deleu et Stéphanie Loridon. ****

Mardi 2/4, 20h50, Arte.

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« Les criminels ont de l’avenir mais pas dans le cannabis… » Ça commence dans le sud-ouest du Mexique avec un paysan qui travaille pour les cartels de la drogue et fait pousser de la ganja destinée aux filières clandestines. Il en semait déjà à quatorze ans mais maintenant que la weed a été légalisée dans pas mal d’États des USA, la situation est devenue compliquée pour lui. Il ne peut rivaliser avec une offre légale et de meilleure qualité.

Ça enchaîne avec des Blacks un peu réacs, militants antilégalisation dans des quartiers pauvres. Ils font du lobbying, du démarchage téléphonique financé par un ancien conseiller de Clinton, Bush et Obama dans la lutte contre les drogues. L’ennemi numéro 1 de l’industrie du cannabis, selon le Rolling Stone… Leur lutte semble perdue d’avance. C’est qu’elles remontent, les images en noir et blanc de marines détruisant des champs de beuh au lance-flammes.

Présentée jadis par Ronald Reagan comme la drogue probablement la plus dangereuse des États-Unis (extrait vidéo à l’appui), l’herbe est maintenant devenue un produit lucratif au pays de ce cher Oncle Sam… Et pas seulement pour ses vertus thérapeutiques. Au Colorado, où elle est en vente libre depuis 2014 (huit États prohibitionnistes l’entourent), il y a désormais plus de magasins de cannabis que de Starbucks et de McDonald’s réunis.

« Aucune augmentation de la consommation chez les jeunes », garantit le médecin chef du département santé publique et environnement de l’État. Quarante mille emplois ont été créés. L’argent rentré dans les caisses est utilisé dans le système éducatif. Le canna devient une activité agricole presque comme les autres.

Extrêmement clair et fouillé, le documentaire de Xavier Deleu et Stéphanie Loridon explore aux quatre coins du monde les différents modèles de légalisation du cannabis. Business prospère au Canada, où il est coté en bourse. Commerce singulier en Uruguay, où il est particulièrement encadré. Et dispositif inabouti et hypocrite aux Pays-Bas, où les patrons de coffee shops n’ont pas le droit de se procurer la drogue qu’ils vendent. Depuis 40 ans, les consommateurs y fument une herbe que personne n’a le droit de produire mais à partir de 2020, une dizaine de villes mettront en place une filière d’approvisionnement officiel…

De tous ces systèmes (et de certains accords internationaux), Quand le deal est légal débusque aussi les effets pervers. À Detroit, l’héroïne est aujourd’hui plus consommée que la marijuana. C’est que la légalisation ne fait pas disparaître les dealers. Elle les dirige souvent vers d’autres produits. Toujours plus dangereux. Lobbyistes, paysans, consommateurs, politiciens ou encore membres de cartels étayent le propos d’un débat que promettent de relancer chez nous les élections à venir. En certains endroits du globe, le cannabis est déjà entré dans la grande consommation et le capitalisme financier…

Julien Broquet

LAWRENCE D’ARABIE

Film biographique de David Lean. Avec Peter O’Toole, Omar Sharif, Alec Guinness. 1962. *****

Mercredi 3/4, 21h05, La Trois.

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Le chef-d’oeuvre de David Lean allie beauté des images et grandeur de propos. Il nous fait suivre les aventures et mésaventures de Thomas Edward Lawrence, écrivain et officier britannique dont la destinée s’accomplit au contact des guerriers de la grande révolte arabe de 1916-1918 (il y consacra un livre fameux, intitulé Les Sept Piliers de la sagesse). Un Peter O’Toole terriblement charismatique incarne l’aventurier avec un talent fou. Lean le filme tantôt en gros plan magnifiant ses yeux bleus, tantôt presque perdu dans l’immensité des paysages de désert. Bien documenté sur le plan historique, Lawrence d’Arabie s’épanouit dans un lyrisme maîtrisé. Une seule vision ne saurait épuiser les richesses de cette épopée, devenue instantanément un classique du 7e art, en plus d’un très grand succès. Admirable, en tout point! L.D.

ANDRÉ TÉCHINÉ, CINÉASTE INSOUMIS

Documentaire de Thierry Klifa. ***(*)

Mercredi 3/4, 22h30, Arte.

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Il a vu tous ses films. Premier jour, première séance. Ils sont devenus amis et il lui a proposé de faire un film. Il, c’est Thierry Klifa. Réalisateur (Les Yeux de sa mère, Tout nous sépare…) et ancien critique de cinéma. Lui, c’est André Téchiné. Homme pudique et même secret du septième art français. Pour la première fois, le réalisateur des Roseaux Sauvages, d’Hôtel des Amériques et autre Rendez-vous a accepté de se livrer. Rythmé par des interviews de Juliette Binoche, Olivier Assayas, Daniel Auteuil, Guillaume Canet, Emmanuelle Béart, Catherine Deneuve, Isabelle Adjani, Sandrine Kiberlain, et évidemment celle du principal intéressé, Téchiné, cinéaste insoumis tire le portrait d’un héros très discret. Il raconte sa conscience politique. L’enfant de vieux qui cherchait à s’évader. Ses névroses, ses phobies, son côté burlesque. Mais aussi ses articles pour Les Cahiers du cinéma, l’homme féministe et féminin. Discret quant à son homosexualité. Surtout du vivant de sa mère… Éclairant. J.B.

ESCAPE AT DANNEMORA

Minisérie créée par Brett Johnson et Michael Tolkin. Avec Benicio del Toro, Patricia Arquette, Paul Dano, Bonnie Hunt, Eric Lange, David Morse. ***

Vendredi 5/4, 20h30, Be Series.

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En 2015, l’évasion spectaculaire de deux meurtriers, Richard Matt et David Sweat, ainsi que leur cavale infernale à travers le nord de l’État de New York, a passionné l’Amérique. Plutôt qu’une adaptation spectaculaire, Escape at Dannemora offre une vision froide, douloureuse, lente mais servie par un casting de blockbuster: Matt (Benicio Del Toro) et David (Paul Dano), emprisonnés pour homicide, végètent dans un atelier dirigé par Tilly (Patricia Arquette récompensée par un Golden Globe). Cette femme white trash à la cinquantaine enfantine, mariée à un agent de maintenance du pénitencier, a visiblement du savon sous les semelles et ne demande qu’à glisser… ce sera dans les bras de David. Situation propice à un plan d’évasion, première étape vers une liberté en cul-de-sac. Derrière la caméra, Ben Stiller prend le temps de filmer le quotidien trivial de ses pensionnaires, de son gardien (David Morse), son organisation clinique soudainement bousculée par une course-poursuite qui, loin d’accélérer le tempo, nous plonge au coeur de la psyché de ses protagonistes, souligne le contraste entre un intérieur bruyant, oppressant et un extérieur vaste, vide et glacé. Stiller donne une version dramatique des événements, mais son portrait de Matt et David se détache d’une réalité des faits beaucoup plus violente. N.B.

CHUCK BERRY

Documentaire de Jon Brewer. ***(*)

Vendredi 5/4, 22h30, Arte.

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Avec Little Richard, il est le père du rock’n’roll. Elvis avait beau avoir tout ce qu’il fallait (il était blanc, déjà…), il n’écrivait pas ses chansons. Chuck Berry était le roi. Il s’occupait de tout. Assurer le show, jouer de la guitare et rédiger ses propres textes. Des histoires complètes troussées en trois minutes. Fan du bonhomme, réalisateur de documentaires et ancien manager, Jon Brewer retrace la vie de la légende. Un portrait ni très sex (il a été développé avec l’épouse de Berry), ni très drugs (il carburait à l’eau claire) mais par contre incontestablement rock’n’roll.

C’est que Chuck, né Charles Edward Anderson Berry en 1926 dans le Missouri, a mené une existence mouvementée. À 21 ans, alors qu’il ne rêve pas encore de la musique, il a déjà passé trois ans en maison de correction. Braquages et vol de voiture… « C’était le parfait délinquant juvénile avant même que le concept existe », rigole George Thorogood. « C’était le premier gangsta. Vol à main armée quand même », renchérit Steven Van Zandt du E Street Band…

À côté des interviews de sa famille, ce ne sont que quelques-unes des nombreuses pointures à peupler le docu de Brewer. Nile Rodgers, les Beatles, Alice Cooper, Gene Simmons (Kiss), Wayne Kramer… Tous racontent ce génie qui a construit le pont entre le blues et ce qui allait devenir le rock. Le mec qui se voyait refuser l’entrée de ses propres concerts parce que les clubs y attendaient un blanc. Celui qui, en douceur, faisait tomber les barrières raciales. Bien avant Luther King et la lutte pour les droits civiques.

Maybellene (premier disque de crossover acheté par des jeunes Blancs, la station la plus blanche du pays la diffusait à des heures de grande écoute), Too Much Monkey Business, Roll over Beethoven, Rock and Roll Music. Le Johnny B. Goode de Retour vers le Futur, le You Never Can Tell de Pulp Fiction… Berry exprimait ce que tous les jeunes voulaient dire. « Il a inventé le teenager alors qu’il n’était lui-même plus un adolescent. »

Ce documentaire bien mené et convaincant malgré quelques scènes recréées et stylisées moyennement heureuses, évoque sa double personnalité et ses démêlés avec la justice. La prison trois jours après avoir joué à la Maison-Blanche…. Son goût de l’immobilier, le Berry Park et sa piscine (la première en forme de guitare au monde) où il a organisé des concerts. Mais aussi l’achat d’un restaurant parce qu’on lui en avait un jour refusé l’entrée, ses relations avec Keith Richards pendant le tournage de Hail! Hail! Rock ‘n’ Roll et les origines de son célèbre duckwalk. Mort en 2017 à l’âge de 90 ans, Berry (incarné en 2008 par Mos Def dans Cadillac Records) devrait prochainement faire l’objet d’un biopic développé, lui aussi, avec son entourage. Le secret reste apparemment toujours de mise…

Julien Broquet

THE BOY WHO HARNESSED THE WIND

De Chiwetel Ejiofor, avec Maxwell Simba, Chiwetel Ejiofor, Aïssa Maïga. 1h53. ***

Disponible sur Netflix.

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Chiwetel Ejiofor, l’acteur anglo-nigérian de Dirty Pretty Things et 12 Years a Slave, réalise un premier long métrage, drame familial inscrit au coeur d’un village malawite frappé par la famine, aujourd’hui distribué par Netflix.

Lire notre interview de Chiwetel Ejiofor.

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