Critique

[à la télé ce soir] Two Trains Runnin’

© AVALON FILMS
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Vibrant hommage à toute une génération de pionniers du blues, Two Trains Runnin’ raconte le jusqu’au-boutisme mélomane de quelques blancs-becs et un pan douloureux, une cicatrice loin d’être refermée, de l’Histoire afro-américaine.

En juin 1964, sans se connaître, deux groupes de musiciens, étudiants et collectionneurs de disques américains partent dans le Mississippi sur les traces de vieux bluesmen du delta. Démarrant son périple depuis la Californie, John Fahey cherche désespérément Skip James. Repéré au début des années 30 grâce à un concours de blues organisé par un commerçant, le guitariste et pianiste a enregistré 26 morceaux pour la Paramount mais a depuis disparu de la circulation. L’autre crew –« trois Juifs dans une coccinelle au départ de New York »– essaie pour sa part de retrouver Son House, qui s’est évaporé après ses enregistrements avec Alan Lomax. Il aurait été aperçu en train de sortir d’un cinéma…

Cet été-là, un tas de jeunes activistes partent pour le Mississippi en vue de renverser la ségrégation raciale. Dans cet État particulièrement raciste où les policiers sont membres du Ku Klux Klan et où les violences à l’égard des Afro-Américains restent impunies, leur but est notamment de faire inscrire un maximum de Noirs sur les listes électorales. « Ils savaient peut être ce qui se passait là-bas mais le danger absolu et la violence qui étaient une réalité pour les Noirs étaient une notion abstraite pour l’étudiant blanc moyen. » La population locale se chargerait bien de leur rappeler les intimidations, les lynchages et les églises incendiées.

Ce documentaire dit par le rappeur Common et mis en musique par Gary Clark Jr., Valerie June ou encore Lucinda Williams retrace les quêtes insensées de ces héros perdus en même temps que ce Freedom Summer devenu un moment marquant de la lutte pour les droits civiques. Collaborateur de longue date de Spike Lee, le réalisateur Sam Pollard jongle avec des images d’archives, des interviews, des morceaux interprétés aujourd’hui et des scènes reconstituées en dessin animé pour raconter trois histoires qui se sont entrechoquées en la funeste date du 21 juin, lorsque trois militants ont été assassinés par des membres du Klan (des événements retracés dans le Mississippi Burning d’Alan Parker). Vibrant hommage à toute une génération de pionniers du blues (sans Son House, pas de Robert Johnson ou de Muddy Waters), Two Trains Runnin’ raconte le jusqu’au-boutisme mélomane de quelques blancs-becs et un pan douloureux, une cicatrice loin d’être refermée, de l’Histoire afro-américaine.

Documentaire de Sam Pollard. ****

Vendredi 26/03, 23h15, La Trois.

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