Critique

[À la télé ce soir] The Loudest Voice

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Roger Ailes avait coutume de hurler dans les salles de rédaction de Fox News, chaîne d’info en continu qu’il a cofondée en 1996 pour en faire le relais de la « majorité silencieuse » américaine, soit les points de vues les plus conservateurs, bigots et populistes. Peu connue par ici, la figure de Roger Ailes est, outre-Atlantique, celle d’un ogre de la politique et des médias. Tour à tour journaliste, producteur, conseiller en communication de Nixon, Reagan, George Bush Sr, Rudi Giuliani et Donald Trump, il n’a eu de cesse de jouer à Garou-Garou le passe-muraille, d’un côté à l’autre de l’écran politico-médiatique, toujours dans le camp républicain. Avant de connaître une disgrâce en 2016 pour des cas retentissants de harcèlements sexuels, puis de rebondir auprès du candidat Trump, Ailes, décédé en 2017, aura été un monstre, dans tous les sens du terme.

MeToo et fake news

Cette minisérie Showtime retrace l’avènement et la chute d’un des hommes les plus influents de la politique américaine récente. Incarné par un Russell Crowe gonflé de prosthétique comme il l’était de grasse suffisance, le personnage d’Ailes ne s’embarrasse d’aucune finesse. Arriviste, comploteur, colérique, manipulateur, il est autoritaire avec ses collaborateurs, abusif avec ses collaboratrices, qu’il aime généralement blondes, jolies et sous emprise, comme sa femme Beth (Sienna Miller). Le scénario suit à la lettre la biographie éponyme écrite en 2014 par Gabriel Sherman: éviction de NBC en 1995, passage à la future concurrente Fox News -à l’époque où l’info en continu est en plein boom, il lui offre un boulevard à droite-, des moments de gloire lorsqu’après le 11 septembre 2001, la chaîne devient le porte-voix de la présidence de Bush Jr, de sa paranoïa et de la guerre en Irak. S’ensuit une fuite en avant des fake news sous Obama, et puis la débâcle. Le contexte est en arrière-plan, la caméra n’en a que pour Ailes, ses coups de poker et ses proies successives. Livrée à un faux rythme au début, la série devient efficace lorsqu’apparaît le personnage de Gretchen Carlson (Naomi Watts), star et égérie de Fox qui finit par faire payer à son patron ses outrages, entraînant les plaintes similaires de ses consoeurs. Moins percutante que Bombshell (avec Charlize Theron et Nicole Kidman) qui aborde le même sujet au cinéma (sortie fin janvier chez nous), The Loudest Voice réussit à maintenir l’intérêt pour une histoire dont la fin nous est désespérément connue: le monstre est mort, mais le venin qu’il a inoculé dans la psyché médiatique américaine (et mondiale) a porté ses fruits toxiques.

Série créée par Tom McCarthy. Avec Russell Crowe, Naomi Watts, Sienna Miller. ***(*)

Samedi 4/01, 20h30, Be Séries.

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