Critique

[à la télé ce soir] OVNI(s): au-delà du réel

Nicolas Bogaerts Journaliste

Au-delà des clins d’oeil et des références culturelles, OVNI(s) pose une réflexion tout en poésie burlesque sur la question de l’échec, du doute et du temps.

L’ingénieur Didier Mathure (Melvil Poupaud) voit son avenir partir en fumée lorsque la fusée sur laquelle il travaillait depuis dix ans avec son ex-femme Élise (Géraldine Pailhas) explose en plein vol. Il est muté dans un nouveau service, le GEPAN. Sa mission, trouver des explications scientifiques au phénomène des ovnis, est une punition pour ce cartésien qui ne pense qu’à quitter au plus vite cette équipe d’enquêteurs farfelus: Marcel (Michel Vuillermoz) le vétéran, Rémi (Quentin Dolmaire) le geek et surtout Véra (Daphné Patakia), lunaire standardiste qui l’ouvre aux possibilités d’une autre vérité que celle qui le fait tenir debout, vaille que vaille.

Temps X

Une constellation d’événements extraordinaires, parmi lesquels une pluie de flamants roses, l’intervention d’un commandant de la sécurité militaire (Nicole Garcia), des champs morphiques et les interventions d’un futur Rael et d’un jeune Steven Spielberg vont l’amener à penser que quelque chose ne tourne plus aussi rond que l’affirmait Galilée. La série nous plonge habilement dans une époque charnière, au crépuscule des giscardiennes années 70, dont elle reconstitue le dialogue fasciné entre science, fiction et croyances. C’est l’époque où le journaliste français Jean-Claude Bourret porte aux titres de son JT ses certitudes sur les ovnis. Les films Rencontres du troisième type (Spielberg) et Star Wars (Lucas) sortent en 1977, l’année de création du GEPAN. Deux ans plus tard les frères Bogdanov présentaient l’émission culte Temps X tandis que De Funès était aux prises avec les soucoupes volantes dans Le Gendarme et les Extraterrestres (Jean Girault, 1979).

Révolution copernicienne

Avec un certain sens de la comédie, les dialogues millésimés d’OVNI(s) nous baladent au gré de son faux rythme le long des frontières entre le rationnel et le sensible, non sans décrocher au passage quelques jolis instants de mélancolie, appuyés par une bande-son mêlant réminiscences télévisuelles (Michel Colombier) et percées électroniques (Jean-Michel Jarre, Tangerine Dream au générique). Les affres de Mathure convoquent alors quelque chose de l’enfance perdue, retrouvée in extremis dans le regard mentholé de Daphné Patakia, qui signe ici un rôle attachant. C’est dans cette mélancolie née d’un basculement des certitudes, plus que dans la rigueur de son scénario, que la série réussit son pari. La possibilité d’une nouvelle cosmographie, l’impossibilité d’accepter son divorce et la débandade de sa vie professionnelle relèvent de l’effondrement épistémologique, de la révolution copernicienne pour le cartésien Mathure, qui a beaucoup plus à apprendre de l’enthousiasme de ses jeunes collaborateurs que du cynisme bureaucratique. Alors que l’année 2020 a vu s’affronter sciences et croyances, OVNI(s) fait un éloge apaisé du doute et du scepticisme, en laissant la place aux lignes brisées, au dialogue entre intuition, raison et comédie.

OVNI(s): série créée par Clémence Dargent et Martin Douaire. Avec Melvil Poupaud, Géraldine Pailhas, Michel Vuillermoz. ***(*)

À voir le lundi à 20 h 30 sur Be tv.

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