Critique

[À la télé ce soir] Les vies d’Albert Camus

© René Saint-Paul/Bridgeman Images
Nicolas Bogaerts Journaliste

La carcasse de la Facel Vega pliée autour d’un de ces arbres impassibles qui bordent les départementales de France et les restes disloqués sur la route témoignent de la violence du choc. Le 4 janvier 1960, la vie d’un des plus importants écrivains du XXe siècle, Albert Camus, Prix Nobel de littérature trois ans plus tôt, s’est fracassée contre l’absurde qui a tant guidé sa plume. L’auteur de L’Étranger, La Peste, Le Premier Homme, La Chute, est ici honoré par un portrait biographique riche d’archives privées, d’interviews de proches et collaborateurs sortis des fonds de l’INA et de témoignages présents (Michel Bouquet, son acteur fétiche, sa fille Catherine…). Ce long documentaire, conté d’un seul souffle par Philippe Torreton, reconstitue les multiples facettes d’un personnage mal connu, ses combats (l’égalité en Algérie coloniale, le soutien aux républicains espagnols, la résistance, l’anti-stalinisme…) et sa vie sentimentale dissolue. Sacrifiant au besoin actuel et contestable de percer l’intimité des personnalités, il fait de Camus un personnage romanesque, le plaçant dans un ventre mou politique, précisément là où il a passé bien trop de temps, icône pratique d’un non-alignement qui ne lui correspondait en rien. En revanche, l’abondance d’images d’époque et les contextes historiques et littéraires permettent de laisser émerger, résistant à toute récupération, l’héritage littéraire, nostalgique et pensif, d’un observateur intransigeant de son temps et du « silence déraisonnable du monde ».

Documentaire de Georges-Marc Benamou. ***(*)

Mercredi 22/01, 21h05, France 3.

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