Critique

[à la télé ce soir] Irradiés: Le monde en flammes

© ACACIAS FILMS
Nicolas Bogaerts Journaliste

Récompensée à la 70e Berlinale, Irradiés est une oeuvre d’une rare intensité qui fait transparaître, dans les dévastations, les corps mutilés, brûlés, les cadavres entassés, les villes détruites, l’emprise du mal sur l’âme humaine.

« Toute force doit s’exercer aux yeux du monde. (…) Quoi de plus excitant que la puissance de destruction? » Le cinéaste franco-cambodgien Rithy Panh a passé la majeure partie de sa carrière à documenter les processus traumatiques et de deuil nés des atrocités perpétrées par les Khmers rouges entre 1975 et 1979. Son approche cathartique nourrie à des sources multiples (archives, fiction, documentaires) explore ici, une fois encore, la question de la survie face aux forces d’annihilation nées des conflits humains. Et fait défiler dans un désordre apparent mais trompeur les images des guerres et destructions massives du XXe siècle… Verdun, Coventry, Dresde, Le Havre, Auschwitz, Birkenau, Rwanda… Culminant avec l’horreur apocalyptique des bombes atomiques de Hiroshima et Nagasaki.

L’âme tourmentée du monde

Récompensée à la 70e Berlinale, Irradiés est une oeuvre d’une rare intensité qui fait transparaître, dans les dévastations, les corps mutilés, brûlés, les cadavres entassés, les villes détruites, l’emprise du mal sur l’âme humaine. La composition en triptyque, qui alterne images triples, doubles ou différentes, renvoie au chiffre sacré, aux trinités divines. Mais ces fenêtres sur l’âme tourmentée du monde n’ont à offrir qu’ossements, douleurs, enfances massacrées ou charniers. Rithy Panh ne nous épargne rien, mais il questionne le néant laissé par les idéologies totalitaires, l’appât du gain, et l’autodestruction: les voix des comédiens Rebecca Marder et André Wilms planent et dialoguent, investissent un texte d’une valeur poétique et philosophique inestimable. Le propos n’est pas ici de nous laisser seuls face aux atrocités, mais « de chercher des causes, de créer des images imparfaites pour changer le monde« .

Lui-même survivant des persécutions des Khmers rouges, Panh tire des leçons. Il se place face au risque de louper sa cible, tant l’accumulation d’images engourdit, paralyse. Mais il fait oeuvre de grande émotion quand il replace l’humain et ses espoirs vivifiants dans un épilogue en forme de citation-hommage à Chronique d’un été de Jean Rouch et Edgar Morin (1961), aux déambulations de Marceline Loridan-Ivens dans un Paris outragé mais baigné de lumière. Et il exhorte: « Avoir survécu est impossible à dire… Mais il faut vivre. (…) Il faut pour la cause de l’homme traverser et comprendre les formes du mal, des tranchées aux atomes, des camps au silence. Le mal irradie, il blesse jusqu’aux générations futures mais l’innocence est au-delà. »

Documentaire de Rithy Panh. ****

Mardi 02/03, 00h30, France 2.

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