Critique

[À la télé ce soir] George Orwell, Aldous Huxley: 1984 ou Le Meilleur des mondes

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Prémonitions. Société de surconsommation, contrôle des masses, surveillance généralisée… La réalité effrayante d’aujourd’hui a méchamment et dangereusement tendance à flirter avec la science-fiction d’hier.

Il y a plus de 70 ans, deux écrivains anglais visionnaires avaient déjà senti le vent venir: George Orwell et Aldous Huxley. Tandis que dans 1984, sorti en 1949, Orwell racontait des citoyens travailleurs placés sous l’oeil et la botte de Big Brother, privés de toute liberté, Huxley dépeignait en 1932, dans le Londres futuriste du Meilleur des mondes, une civilisation des loisirs futile et hédoniste dirigée par les techno-sciences. État totalitaire broyant l’individu contre société de contrôle pourvoyeuse d’un bonheur et de plaisirs superflus… Le passionnant documentaire de Philippe Calderon et Caroline Benarrosh compare les deux chefs-d’oeuvre du roman d’anticipation et tire le portrait de leurs auteurs.

Humaniste, bagarreur, révolutionnaire et solitaire, Orwell a été journaliste dans la dèche et policier en Birmanie. Il a exploré les bas-fonds de Londres et une balle lui a traversé la gorge en Espagne. Venu d’un milieu modeste, veuf et père d’un jeune garçon adopté de trois ans, il a tapé 1984 à la machine à écrire sur une île écossaise, dans son lit. Il ne trouvait pas de dactylo, était victime de pneumonies à répétition et est mort un an après parution.

Privilégié, intellectuel (il fut le professeur de français d’Orwell alors boursier) et dandy, Huxley était lui un critique social caustique et un mondain assumé. Passionné par l’innovation technologique, la médecine et la biologie (un de ses frères était un théoricien de l’eugénisme et un autre a remporté le prix Nobel de médecine), il a écrit Le Meilleur des mondes dans la douceur d’une station balnéaire de Méditerranée. Atteint du cancer, il s’est suicidé au LSD le jour de l’assassinat de Kennedy.

Jamais les deux hommes ne se sont mis d’accord sur leurs visions du futur. Mais repenser à 1984, au ministère de la Vérité qui s’occupe de tronquer l’information et à son héros Winston Smith qui réécrit les faits historiques pour les faire correspondre à la ligne perpétuellement changeante du parti résonne bizarrement pendant la banalisation des fake news. Comme de se dire qu’en Californie aujourd’hui, certains spécialistes produisent des élites (les alphas d’Huxley) sur commande et cultivent les humains de demain. Ce docu confronte leurs prédictions à notre présent et à ce que risque de devenir notre futur. Effrayant.

Documentaire de Philippe Calderon et Caroline Benarrosh. ****

Mercredi 11/11, 22h40, Arte.

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