Critique

[À la télé ce soir] Friedkin Uncut

William Friedkin avec l'acteur Jason Miller sur le tournage de L'Exorciste. © GETTYIMAGES
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Un film peut sauver la vie de quelqu’un, et pas que dans le sens métaphorique ou passionnel du terme. En 1962, avec son documentaire The People vs. Paul Crump, William Friedkin mène à la libération et à la réhabilitation d’un détenu afro-américain condamné à mort pour avoir assassiné un gardien de nuit lors d’une attaque à main armée. À 27 ans, le cinéaste fait une entrée plutôt percutante dans le monde de la réalisation. Dix ans plus tard, avec ses cinq Oscars, French Connection (diffusé sur Arte lundi à 22h10) lui assurera la consécration et L’Exorciste filera des cauchemars à toute une génération.

Originaire de Chicago, grand admirateur de Fellini, d’Antonioni, de Clouzot, Fritz Lang, Chaplin, Keaton et Orson Welles, Friedkin a adapté le style documentaire à la fiction. « L’Exorciste a en quelque sorte donné ses lettres de noblesse au cinéma d’horreur en appliquant une sorte de rigueur psychologique et un certain réalisme à une histoire traditionnellement perçue comme scabreuse et tirée par les cheveux », explique le producteur et réalisateur Walter Hill.

Fils d’émigrés ukrainiens, William parle de son enfance, de ses débuts au service courrier d’une chaîne de télé, de Citizen Kane, qui a fait naître sa vocation et lui a fait remarquer que le cinéma pouvait sonder les profondeurs de l’âme d’un être humain, de toute l’humanité. « Tout être humain se bat en permanence pour que sa bienveillance prenne le dessus sur sa barbarie », estime le réalisateur de 84 ans qui aimait les prises uniques (« les répétitions, c’est pour les chochottes, c’est pour les imbéciles »), qui préfère la spontanéité à la perfection et n’hésitait pas à baisser son froc devant toute l’équipe pour mettre une actrice à l’aise avant une scène de nu. Friedkin, bon pied, bon oeil, passe ses films en revue avec panache et humour. Secondé par Francis Ford Coppola, Wes Anderson, Willem Dafoe, Matthew McConaughey, Michael Shannon, Ellen Burstyn ou encore Dario Argento, il revient sur le tournage compliqué et le flop commercial du Convoi de la peur, partage sa passion pour l’art africain et les estampes japonaises, et évoque sa rencontre avec Fritz Lang et son aversion pour les festivals. « Je n’ai pas envie qu’une bande d’abrutis qui se sont autoproclamés jurés délibèrent pour en arriver à: La Dolce Vita, ça ne vaut quand même pas Batman versus Superman. Je les emmerde tous. à pied, à cheval, en voiture, en bateau et leur clebs avec. Qu’ils aillent tous se faire foutre. Tous sauf neuf gusses. Six pour ouvrir la marche, deux pour porter le cercueil et un pour marquer la cadence. »

Documentaire de Francesco Zippel. ****

Dimanche 31/5, 23h23, Arte.

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