Critique

[À la télé ce soir] Étudiants, l’avenir à crédit et Alger, La Mecque des révolutionnaires (1962-1974)

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Nicolas Bogaerts Journaliste

Une soirée, deux documentaires.

Étudiants, l’avenir à crédit

Documentaire de Jean-Robert Viallet. ****

Ce mardi 16 mai à 20h50 sur Arte.

Aux États-unis, il est courant que les jeunes diplômés entrent surendettés dans la vie active, en raison des prêts étudiants qu’ils se sont mis sur le dos pour pouvoir verser les sommes stratosphériques demandées par les Universités. Ce mécanisme est-il en passe de s’étendre à l’Europe? La démonstration glaçante à l’oeuvre dans le documentaire de Jean-Robert Viallet donne l’impression que oui. La compétition internationale, décrétée aussi inévitable que bienfaisante, a eu tôt fait de rapprocher les cursus universitaires des besoins d’un monde industriel capitalisé. Et de ses mécanismes financiers. Les statistiques et chiffres avancés, le cynisme politique des élites, le fossé se creusant avec les plus pauvres dans l’accès à la connaissance, à l’expérience et à la formation certifiante annoncent bien des désillusions. Ce documentaire fouillé montre à quel point cette mutation prospère à l’échelle mondiale, des États-Unis jusqu’à la Chine, la Nouvelle Frontière de l’économie et de l’enseignement supérieur, et pointe les dérives de la marchandisation du savoir, qui frappe aveuglément et sans honte des étudiants étouffés par leurs crédits et terrifiés par l’avenir.

Alger, La Mecque des révolutionnaires (1962-1974)

Documentaire de Ben Salama. ****(*)

Ce mardi 16 mai à 22h25 sur Arte.

Boulevard Che Guevara, Rue Patrice Lumumba, Avenue Nelson Mandela… les artères d’Alger portent le souvenir des luttes anticoloniales que la nation algérienne a hébergées après son indépendance. Entre 1962 et 1974, la capitale du nouvel état dirigé par Ahmed Ben Bella puis Houari Boumediene va être à la fois boîte postale, espace de co-working, base arrière, centre de formation et porte-drapeau des luttes révolutionnaires contre les forces coloniales et/ou impérialistes, de l’Afrique du Sud au Brésil, Du Cap-Vert à l’Amérique des Black Panthers -l’expression « Mecque des révolutionnaires » est habilement trouvée par Amilcar Cabral, le fondateur du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert. Le documentaire érudit et passionnant de Ben Salama raconte le phare qu’a constitué, dans la nuit coloniale, l’indépendance acquise par les armes du FLN algérien et comment Ben Bella et Boumediene vont appuyer cette avantage, travailler notamment les parallèles avec Cuba en réservant à Che Guevara un accueil triomphal. Dans cette Alger qui fut jadis « La Blanche » mais qui se fait appeler désormais « La Rouge », on croise tout l’esprit révolutionnaire et anti-impérialiste du temps, l’espoir d’une unité pan-africaine, illustrée par les séjours de Mandela juste avant son arrestation en 1962, ou arabe, si on en croit l’accueil triomphal réservé à l’Égyptien Nasser. Les montages habiles, rythmés et admirablement étayés se passent volontiers de témoignages pour aller au coeur des documents de l’époque. Ceux qui retracent les premières années où tous les rêves sont permis, jusqu’aux déambulations dans le souk du chef des Black Panthers Eldridge Cleaver, et la période, plus délicate diplomatiquement, du soutien à l’OLP d’Arafat. Si cette politique finira par évoluer au mitan des années 1970, et sombrera avec l’état algérien dans l’opacité et la dictature, elle demeure un motif de fierté pour le peuple algérien, suffisemment pour en raconter l’histoire chargée d’espérance.

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