Critique

[À la télé ce soir] Cold Case Hammarskjöld

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

« Ceci peut être le meurtre le plus mystérieux au monde ou la théorie du complot la plus idiote. Si la deuxième hypothèse est la bonne, je suis vraiment désolé. » Dans une chambre d’hôtel, entièrement vêtu de blanc comme le méchant de son histoire, Mads Brügger dicte à sa dactylo. Brügger enquête sur la mort de Dag Hammarskjöld. La nuit du 17 au 18 septembre 1961, le secrétaire général de l’ONU meurt dans un accident d’avion près de Ndola, en Rhodésie du Nord, l’actuelle Zambie. Erreur de pilotage ou attaque fatale? A-t-il été assassiné, et si oui par qui? Quasiment 60 ans après les faits, les doutes continuent de subsister. Désireux de protéger à tout prix les pays africains fraîchement indépendants des tentaculaires puissances coloniales, Hammarskjöld devait rencontrer Moïse Tshombe, le leader du Katanga sécessionniste soutenu par la puissante Union minière (une entreprise belge) et le convaincre de réintégrer un Congo libéré du joug occidental… Flanqué d’un détective privé suédois, Brügger mène l’enquête, en raconte toutes les étapes et se met en scène tel un Michael Moore scandinave. « J’espérais que cette mascarade masquerait mes échecs en tant que journaliste« , avoue-t-il même face à la caméra. Présentateur de talk-show, Brügger a déjà fait pas mal parler de lui et a suscité quelques polémiques. Il a inventé un groupe de Danois fans de Bush et milité pour sa réélection en 2004, emmené une fausse troupe de théâtre en Corée du Nord… Pour son documentaire The Ambassador, avec lequel il entendait démontrer la corruption des diplomates et des autorités dans le trafic de diamants, le réalisateur danois avait même joué les consuls en Centrafrique à l’aide d’un faux passeport diplomatique acheté au marché noir. Cette propension à se mettre en avant et des méthodes à tout le moins douteuses laissent planer beaucoup d’ombre sur le travail de Brügger et la véracité de ce qu’il raconte, même avancé avec des pincettes. Son film est passionnant, rythmé, habilement mené (avec des scènes en dessin animé), mais ce qui le rend agréable jette aussi la suspicion sur le sérieux et la crédibilité de son travail. Franchement glaçante et surtout complètement dingue, l’histoire qui entoure la mort de Dag Hammarskjöld n’avait pas spécialement besoin de ça pour faire fonctionner notre esprit critique. Alerte spoiler. Après une heure (le documentaire en fait deux), l’enquête mène Brügger sur les traces d’une nébuleuse organisation suprémaciste qui aurait inoculé délibérément le virus HIV à la population noire. À voir.

Documentaire de Mads Brügger. ***(*)

Samedi 1/02, 21h00, La Trois.

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