Serge Coosemans

BX-Hell Underground (1): 1976-1983 – Punk, radios libres et fun avant tout pour Dan Mac Roll

Serge Coosemans Chroniqueur

DJ Kwak et Serge Coosemans partent cet été à la rencontre de figures s’étant dans un passé un peu oublié illustrées au sein de différents undergrounds bruxellois. Voyages temporels chez les punks et les fanas de drum & bass, du côté du hardcore et du hip hop, avec à la clé des interviews/podcasts, des playlists et une chronique résumant le topo. Le tout évidemment recouvert d’une bonne couche de zwanze…

Chainsaw, 1st & last single
Chainsaw, 1st & last single© Romantik Rec. 1977

Dan Mac Roll (un pseudonyme, bien sûr) a ouvert en 1976 le Rocking Club, un local dans l’enceinte de Forest National qui a proposé un concert par soir durant 40 jours, avant d’être fermé par les autorités sanitaires, soi-disant pour « dératisation ». Histoire d’électrifier un tantinet un gig de son groupe Chainsaw, du punk basique qui se vendrait aujourd’hui 250 dollars sur Discogs, le bonhomme a sinon tronçonné sur scène un album de Genesis (qu’il aimait bien, pourtant, à ce qu’il dit). Ce geste lui serait aujourd’hui, 35 ans plus tard, toujours reproché par Marc Ysaye, ce personnage improbable connu (en Wallonie, surtout) pour être un mélange de Keith Moon et de Phil Collins. Enfin, presque. Vers 1979, Mac Roll a encore fondé un groupe pop/rock en français, Luna Park. 20.000 albums se sont vendus en Belgique et, pourtant, le label n’a rien trouvé de mieux que d’en suicider les chances commerciales en France, bloquant la distribution d’un disque qui, dans les craintes des comptables, aurait pu faire de l’ombre au chouchou local du même style, lui aussi signé chez Polygram, de futurs résidents de Taratata qui rêvaient d’un autre monde. Où la Terre serait ro-ho-onde. Argent trop cher.

Luna Park, live au Klacik, 11 oct. 1980
Luna Park, live au Klacik, 11 oct. 1980
MORE! n°17
MORE! n°17

Durant cette période un peu folle et aujourd’hui inimaginable où les endroits les plus branchés de Bruxelles étaient sis à Uccle et Auderghem, Dan Mac Roll exerça entre autres ses talents de DJ au Kiliwatch, un bar à cocktails du Vivier d’Oie alors considéré comme « l’antichambre du Mirano », à l’époque où celui-ci était encore fréquenté par des « gens de la pub, de la radio, de la télé et les petits branchés locaux ». En 2013, cette description équivaudrait à une véritable vision d’horreur, un beau paquet de beaufs from Reyers à coiffures laquées avec de vrais bouts de hipsters H&M au milieu. Il y a 30 ans, c’était au contraire la pointe de la jet set noctambule. Ouverte, curieuse, embarquée dans pas mal d’aventures musicales et esthétiques qui ne relevaient pas du tout venant. Mac Roll, qui a un CV culturel de ouf, fut à part ça journaliste chez More, le premier rockzine belge, et animateur sur Radio Bruxsel, la première radio pirate (pas libre, pirate!) de la capitale. Bref, ce monsieur avec qui Kwak et myself avons passé deux bonnes heures à discuter chez lui pour finalement charcuter la moitié de l’entretien et vous livrer le podcast ci-dessous, est une véritable mémoire vivante d’années bruxelloises assez folles, énergiques, marrantes, dont il n’y a peut-être plus d’équivalent aujourd’hui. Une mémoire certes pas toujours forcément fiable (les joies de l’histoire orale, c’est que le voisin dira le contraire) mais ce n’est jamais que normal chez les noctambules.

Que retenir de tout cela? Qu’au-delà de l’énergie d’une époque qui accouchait de nouvelles envies formidables, de nouveaux styles, de nouvelles technologies, du monde qui touche aujourd’hui à sa fin, en fait, le plus gros des fils conducteurs, c’était le fun. La typique zwanze bruxelloise, toujours garder cette touche d’humour au 36e degré qui nous différencie des Américains, des Français, des Allemands, un peu moins des Anglais. Privilégier les tripes. Le coeur et l’âme, les couilles aussi, plutôt que l’intellect. Des mouvements musicaux partout ailleurs plutôt sérieux et politiques, comme le punk et la new-wave, ont ici été franchement déconneurs. Selon les propres mots de Mac Roll: « Il y avait plus de gens sympas que d’extrémistes. C’était du fun, déconner plutôt que faire tomber la société. Jeter des oeufs sur les vieux du Sablon, c’était surtout marrant, on s’en foutait qu’ils étaient riches. La ville était un berceau de créativité, d’ambiance, d’amitiés. C’était du chipotage, dans le bon sens du terme. Faire germer des idées, les mettre en action mais vite, sans beaucoup de réflexion. Avant tout, du créatif, du positif! »

Dan Mac Roll, Jerry Wx, Micky Mike (Snowy Red) et des amis dans les coulisses de Forest National à l'entrée du Rocking Club.
Dan Mac Roll, Jerry Wx, Micky Mike (Snowy Red) et des amis dans les coulisses de Forest National à l’entrée du Rocking Club.

Devant deux quadras un rien jaloux d’être nés plus tard, qui connaissaient à l’époque davantage Han Solo que Johnny Rotten et se désolent assez régulièrement de la torpeur actuelle des choses, d’une vie nocturne contemporaine surtout aux mains de bobos, d’hipsters et de sages petits gestionnaires, Mac Roll doit pour terminer bien admettre une chose:

« Le truc, ça reste d’oser mais le monde s’est un peu aseptisé, c’est vrai. Sortir du lot, c’est maintenant assez commun, les personnalités avec une petite pointe de folie en eux se font moins remarquer. Le marché récupère très vite toute tentative de révolte, aussi. Aujourd’hui, c’est comme une grande mer tranquille avec plein de petites gouttes dedans. Il n’y a plus de tsunami, comme avec Elvis ou les Sex Pistols. Je crois quand même que ça peut encore arriver. Il suffit d’être patient. Un peu partout, il traîne de la poudre. Il suffirait peut-être juste d’une étincelle… »

BONUS: la playlist

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