Pascale Bourgaux: « On est loin du monde des Bisounours »

© Alireza Firouzi
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Pascale Bourgaux raconte l’Afghanistan au travers d’un seigneur de guerre sur le point de basculer dans le camp taliban. Portrait d’une grande reporter en exil.

« Je me demande parfois ce que je fous là. Comment je me plonge dans certaines galères. Je ne suis ni inconsciente ni suicidaire. De manière générale, j’ai d’ailleurs le thermomètre de la peur plutôt bien réglé. Parce que oui, il faut avoir peur et tenir à la vie pour pratiquer ce métier. » Pascale Bourgaux est grand reporter. La guerre, le danger: la journaliste connaît. Née en 1968 à Bruxelles, licenciée en histoire, en science politique de l’Europe et diplômée en journalisme, elle a couvert des conflits armés au Kosovo, en Irak ou encore en Afghanistan pour le compte de la RTBF.

Pourquoi les guerres? Pourquoi les zones à risques? « Parce que ce sont des situations complexes et que j’aime ça, argue-t-elle. Puis parce que dans ces cas-là, les chaînes et les médias s’intéressent à un pays dans toute sa profondeur. C’est souvent quand l’irréparable se produit qu’on se pose enfin les vraies questions… »

Pensée complexe

Pascale est actuellement en congé sans solde à la RTBF où elle a appris le métier. Installée à Paris –« il y a plus de chaînes et d’émissions; en France, c’est une vraie industrie »-, elle bosse comme journaliste et réalisatrice indépendante. Un milieu très concurrentiel. « On est loin du monde des Bisounours. » Mais qui ne l’empêche pas de mener sa barque.

Ce mercredi 17 avril, le Cercle des voyageurs projettera son documentaire Les larmes du seigneur afghan (RTBF-IotaProd-Rebelles Films). L’histoire d’un seigneur de guerre, de ses trois femmes et de sa tripotée d’enfants à qui elle a rendu visite six fois en dix ans. « Il est très religieux, s’est toujours battu contre les Talibans, est favorable à notre intervention et reste fidèle à ses convictions. Mais la colère envers les Occidentaux est telle que l’un de ses fils et une partie du village veulent suivre un autre chemin. »

France 24 diffusait pour sa part en janvier dernier son 18 minutes Iran: au régime des sanctions. « Je voulais jauger les effets des embargos et des sanctions internationales sur les gens. La propagande du régime donne l’impression que les Iraniens vont bien. Même pas peur. Même pas mal. Mais la réalité du terrain est bien différente. J’ai été surprise par la liberté de ton malgré la censure. Les gens en ont marre et ils ont envie de le dire. » Avec son équipe intégralement iranienne et toujours accompagnée de son interprète et guide officiel –« on ne peut pas non plus tourner n’importe où »-, Pascale s’est penchée sur la filière du tapis (« la deuxième industrie du pays »). Elle est partie à la rencontre des marchands du bazar, des réparateurs, des tisserands… Son premier voyage en Iran remonte à 2006. « Ce pays m’a toujours fascinée. Tout y est compliqué. J’aime ça. Les Iraniens sont adeptes de la pensée complexe. Ils font la différence entre les Etats-Unis et l’Europe. Entre les gouvernements et les peuples. Ils sont d’une gentillesse extraordinaire. »

Elle entend bien retourner leur rendre visite. Comme elle projette de se rendre en Irak et éventuellement en Syrie. « Quand on veut comprendre et transmettre, on a aussi évidemment envie de dénoncer, de faire changer les choses et les regards », résume-t-elle. Sacré tempérament.

LES LARMES DU SEIGNEUR AFGHAN, PROJECTION LE 17 AVRIL 2013 À 19h30 EN PRÉSENCE DE PASCALE BOURGAUX.

AU CERCLE DES VOYAGEURS (ENTRÉE 2 €), 18 RUE DES GRANDS CARMES, 1000 BXL.

www.lecercledesvoyageurs.com

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