30 ans de PIAS: Golden Gates

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

PIAS, c’est l’histoire d’un micro-label devenu acteur international, autant que des rencontres qui dessinent un rêve musical. Pour le 30e anniversaire de la maison belge, le (co) boss Kenny Gates, dévoile son Top 10 de souvenirs persos.

Michel Lambot et Kenny Gates
Michel Lambot et Kenny Gates© Philippe Cornet

1. « Michel Lambot (co-patron de PIAS) en 1982: c’est un fou, un punk, mais dans le bon sens du terme. Un explorateur impressionnant d’intelligence: il avait créé Sandwich Records, le premier label indépendant belge, et payé l’enregistrement du premier album de Polyphonic Size avec Jean-Jacques Burnel. Je lui ai prêté 20.000 francs (500 euros) pour le pressage du disque qu’on est allé vendre dans sa vieille VW pourrie, de magasin en magasin, sur les routes de Flandres, de Wallonie et de Bruxelles. »

2. « Daniel Darc en 1986: c’est l’une des toutes premières productions de PIAS, Sous influence divine, et ma vraie rencontre avec le rock’n’roll. Le producteur artistique, Jacno me jure qu’il a décroché de l’héroïne et qu’il fera en sorte que Daniel décroche aussi mais pour compenser, il faut acheter du vin rouge, donc chaque matin, je vais chercher une douzaine de bouteilles (…) de Côtes du Rhone. Sous prétexte de me montrer un texte, Daniel m’emmène et me demande de lui faire un garrot dans les WC du Studio Pyramide. Si j’avais dû parier sur sa survie, je ne l’aurais pas fait. »

3. « Front 242 en 1987: l’album qu’on fait ensemble, Front By Front (1988), reste leur référence et c’est l’époque où ils tournent en première partie de Depeche Mode. On m’appelle à 4 heures du matin pour me dire que Jean-Luc (le chanteur) a disparu en Allemagne, suite à une engueulade avec Richard, je le récupère à Bruxelles et le convaincs de réintégrer Front. Je fais six heures de route pour le reconduire à Francfort où il arrive un quart d’heure avant le concert, l’ambiance est très électrique…Les premiers Belges à faire une carrière internationale. »

4. « La New Beat, le Boccaccio, en 1987: après l’explosion de la musique électronique belge, de Front, à;Grumh, Split Second ou Neon Judgement, cela se tarit un peu et des producteurs se mettent à sortir une musique sombre, instrumentale et a priori underground, le New Beat. Des milliers de maxis circulent et PIAS est en plein centre du mouvement avec le Boccaccio, une boîte près de Gand: cela dure trois ans. Par après, ce sera récupéré, notamment par le Balearic House anglais. »

5. « Martin Gore en 1992: on signe Depeche Mode et l’album Songs of Faith and Devotion pour le Benelux. Je passe une nuit entière avec lui et il m’explique que son père est noir, qu’il est allé à sa rencontre en Amérique, qu’il a trouvé un homme tatoué comme lui et que cela explique son amour génétique pour la musique US. La boucle est bouclée: j’avais commencé comme fan de labels anglais, Factory, 4AD, Mute, et je travaille avec mes idoles, j’ai l’impression d’avoir à nouveau quinze ans… »

6. « Les frères Dewaele en 1992: je vois un type qui joue de l’orgue Hammond en première partie d’Urban Dance Squad, on signe. Quand on enregistre le premier album à Los Angeles, les frères sont trop jeunes pour entrer dans les bars! Ils représentent la musique éclectique que défend PIAS, Soulwax basculant dans l’electro avec 2 Many DJ’s il y a exactement dix ans. Ils veulent toujours sortir des sentiers battus, faire quelque chose de nouveau. Ils s’autocensurent énormément: j’aimerais être un hacker et aller visiter leurs ordis pour écouter leurs inédits. Ils n’ont fait que cinq albums en vingt ans, preuve que les flamands sont fainéants (rires). »

7. « Moby en 1998: à l’époque de Play qu’on signe pour le Benelux, il vient manger chez moi et je lui prépare une quinzaine de plats végétaliens, la cuisine étant mon autre passion. Je m’étais donné cela comme challenge: le Belge sous-estime son sens de l’hospitalité, mais le plaisir de la table induit un autre type de rapport, drôle et simple. Le fait d’être britannique (né à Ixelles en 1963) m’a beaucoup aidé, surtout au début, avoir un parler anglais correct, également… »

8. « Miossec en 1994: Je reçois une cassette demo et on fait un premier album qui se vendra à 250.000 exemplaires! J’ai l’impression d’avoir un grand écrivain entre les mains: dès qu’il a eu du succès, il a été bombardé de propositions de multinationales mais est toujours resté loyal à PIAS! Il est attaché émotionnellement au label, c’est pour cela que je veux le mettre dans les PIAS Nites. Il ne boit plus et est très généreux, son dernier album va atteindre les 50.000 en France, ce qui est bien. Je pense qu’il va devenir un Ferré. »

9. « Agnes Obel fin 2009: Elle me fait un concert privé dans l’arrière-salle d’un bar en Allemagne, on est 4 ou 5 devant cette fille et son piano électrique. Je me sens désolé de la mettre dans cette situation mais je trouve d’emblée qu’elle a un vrai talent, beaucoup d’émotion. Il faut être extrêmement professionnelle pour faire cela. Aujourd’hui, on en reparle en rigolant devant les disques d’or et ses ventes de 300.000 exemplaires à l’international. Je suis très confiant pour le second album qui devrait sortir fin 2012… »

10. « Daan en 2012: il a quand même fait trois disques de platine de suite en Belgique et on essaie de lancer en France où il vient de faire Le pont des artistes sur France-Inter, tournant aussi en solo avant Obel. Son côté euro-dance ne peut être compris que si on intègre son personnage et l’humour belge. Là il fait le crooner et c’est quelqu’un qui rencontre vraiment la Belgique puisqu’il est flamand francophile. Daan est cultivé et talentueux, extrêmement attachant. Il va avoir une longue carrière et nous avec lui, je l’espère… »

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