Critique

Mon pire cauchemar

COMÉDIE | Les contraires se heurtent, puis finissent par s’attirer, dans une comédie pleine de verve où Anne Fontaine fait bon usage du surprenant duo Huppert-Poelvoorde.

C’est une grande bourgeoise, vivant avec mari et enfant dans un superbe appartement donnant sur le Jardin du Luxembourg, Rive Gauche, à Paris. Fine lettrée, elle dirige une prestigieuse fondation d’art contemporain, fréquente les plus fameux artistes. Comment la route de cette intellectuelle tout en contrôle de soi et en raffinement pourrait-elle croiser celle d’un prolo limite quart-monde, habitant à l’arrière d’une camionnette avec son rejeton et survivant grâce aux allocations sociales et quelques petits boulots? Un mec plutôt branché sexe, alcool et vulgarité? Eh bien par l’intermédiaire de leurs fils respectifs, bons copains à l’école. Celui d’Agathe étant assez cancre, et celui de Patrick du genre surdoué. Un paradoxe, une « anomalie », que ce fils de « gros con » devenu premier de classe, et ce gamin d’intellos au bulbe limité! Le signe, peut-être aussi, qu’entre la bourgeoise érudite et l’abruti grossier, les choses n’en resteront pas au stade de la première impression…

L’attraction des contraires

Les contraires s’attirent, dit-on. « Opposites attract » est même devenu, à Hollywood, le moteur de nombreuses comédies sentimentales où un homme et une femme au départ on ne peut plus différents, et dont les premiers contacts sont limite agressifs, finissent par roucouler le presque parfait amour. Anne Fontaine (lire son interview dans le Focus du 4 novembre) n’ignore rien de cette tradition, et des clichés qu’elle suppose. Dans son formidable La Fille de Monaco, elle s’était inspirée de l’autre veine des récits mettant en scène des caractères opposés, en faisant fondre un avocat d’âge mûr, riche et renommé (Fabrice Luchini), pour une jeune femme très « peuple », sexy et délurée (Louise Bourgoin). Celle où la passion fait chuter le puissant dans la déchéance et le drame. Avec Mon pire cauchemar, la réalisatrice française se montre plus optimiste. Son film est drôle, très drôle, comme l’était La Fille de Monaco avant de cruellement basculer. Et il le reste jusqu’au bout, même si c’est d’un rire volontiers grinçant.

Pour jouer au beauf et à la bourgeoise, Fontaine a fait le choix de 2 acteurs à l’image assez proche des personnages qu’ils incarnent. Benoît Poelvoorde en emmerdeur rigolo et sans-gêne, le public l’y voit bien. Comme il identifie facilement Isabelle Huppert à une bourgeoise cultivée, un peu froide et en contrôle. On ne fait pas plus prévisible, au fond. Et l’impression domine, dans les premières séquences -fort drôles au demeurant-, que le moteur comique ainsi facilement lancé va suivre jusqu’au bout une route assez pépère, sans tournant majeur ni dérapage créatif. Anne Fontaine a heureusement conscience du défi. Elle le relève en opérant progressivement de subtils décalages dans le portrait d’Agathe et de Patrick, aussi et même surtout dans leur relation. Et si l’on reste en terrain connu, la réalisatrice ne voulant pas nous déstabiliser comme elle en avait pris l’habitude depuis le très subversif Nettoyage à sec, une différence se fait, qui donne à Mon pire cauchemar l’allure d’une bonne comédie populaire avec « un petit quelque chose » qui en fait tout le sel.

Louis Danvers

MON PIRE CAUCHEMAR, COMÉDIE D’ANNE FONTAINE. AVEC ISABELLE HUPPERT, BENOÎT POELVOORDE, ANDRÉ DUSSOLLIER. 1 H 43. SORTIE: 09/11. ***

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