Critique | Musique

Le disque de la semaine: East India Youth – Total Strife Forever

East India Youth © Rebecca Miller
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

ÉLECTRO | Remis sur pied grâce aux machines, boosté aux nappes de synthé, l’Anglais East India Youth pond un premier album audacieux et imprévisible. Soufflant.

Le disque de la semaine: East India Youth - Total Strife Forever

Le bonheur ou la liberté d’être soi-même ne se prennent qu’en contrebande. C’est en tout cas ce que pense l’acteur John Cleese. A peu de choses près, c’est aussi ce qu’a dû se dire William Doyle. Le jeune Anglais (23) est l’unique membre d’East India Youth. Un projet monté dans le maquis, pas forcément destiné à voir la lumière du jour. Et donc un espace de liberté d’autant plus grand pour un premier album, Total Strife Forever, sinon expérimental, en tout cas bien barré. Explications.

Au départ, il y a bien l’élan collectif. Doyle est le leader d’une formation indie qui commence à faire parler d’elle -Doyle and The Fourfathers verra même son Welcome To Austerity « censuré » par la BBC… Mais la sauce ne prendra jamais complètement. Le succès reste timide, les tournées (en première partie des Undertones notamment) miteuses. Pendant que son groupe se désagrège petit à petit, Doyle quitte Southampton et file à Londres. Il y est seul, ne connaît personne. Il se retrouve coincé en bout de ligne de métro, cloîtré dans un appart du côté des docks d’East India. Isolé, il se met à bosser sur de nouvelles chansons. Au passage, il laisse tomber les guitares et le format pop-rock qui l’ont déçu. Il trouve le salut dans les claviers et les machines. Ils lui permettent de se recréer une bulle. Un nouveau monde dans lequel il reste enfermé des journées entières, restant calé pendant plusieurs heures sur la même boucle.

Passions synthétiques

Deux ans plus tard, voici donc Total Strife Forever. Pour faire court, il est ce disque autiste, culotté, que l’on n’avait pas encore vraiment eu l’occasion d’entendre en ce début d’année. L’objet n’est pas forcément évident à cerner. Il faut par exemple attendre le troisième morceau pour que la voix de Doyle se fasse un chemin à travers les nappes de synthés et les programmations électroniques: Dripping Down choisit l’option pop, titre vibrionnant qui fait volontiers penser à la rencontre entre le romantisme de James Blake et le maniérisme d’un Neil Hannon (Divine Comedy). Juste avant, les instrumentaux Glitter Recession et Total Strive Forever I ont découpé un paysage lunaire chargé et baroque à sa manière. C’est aussi ce qui plaît chez East India Youth: ce manque de mesure ou de freins (jusqu’au titre de l’album, clin d’oeil foireux à celui du disque de Foals). Sur la 3e et dernière partie du morceau Total Strife Forever, par exemple, on ne reprochera à personne d’y trouver du Vangelis (sous opiacé), coulées synthétiques sinueuses et grandiloquentes à la fois.

Doyle explique encore avoir beaucoup écouté le Homogenic de Björk, ou les trips ambient de Brian Eno. On peut y ajouter Philip Glass (Song For A Granular Piano) ou le compositeur contemporain Arvo Pärt. Cela étant dit, le jeune Anglais peut également être plus « carré » (voire plus dansant sur Hinterland, quasi techno). Le principe étant que tout est possible. Ce qui ne veut pas dire parfait. Après tout, peu importe: si l’on ne sait pas toujours où l’on va, le trip proposé par Total Strife Forever vaut largement de larguer les amarres.

  • DISTRIBUÉ PAR STOLEN RECORDINGS.
  • EN CONCERT LE 15/03, AUX PIAS NITES, BRUXELLES.
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