Laurent Raphaël

Hotte stuff

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Avec le Focus spécial cadeaux de cette semaine, vous tiendrez entre les mains un marronnier. D’un genre un peu particulier il est vrai, puisque sur ses branches, à la place des marrons, poussent des idées de cadeaux. Plusieurs dizaines même, classées non pas au petit bonheur la chance, mais en fonction de trois profils types: les baby-boomers, leurs rejetons classés X et les néo-adultes de la génération Y. Fini les fautes de goût.

L’édito de Laurent Raphaël

Cette année, vous pourrez faire votre shopping l’âme en paix grâce à ce profilage sur mesure. Et éviter ainsi de retrouver l’intégrale d’Adamo offerte à votre neveu de 18 ans dès le lendemain sur eBay…

Parmi les nombreux vices qui nous affectent chez Focus, il en est un que nous cultivons sans modération, sinon celle du portefeuille, c’est le fétichisme de l’objet culturel. Des plus jeunes aux plus âgés, chacun ici est capable des pires turpitudes pour mettre la main sur un vinyle rare, un roman sur son 31, un coffret DVD soigné ou une console de jeu millésimée. Voilà pourquoi vous ne trouverez dans notre hotte que des cadeaux en dur. On n’a rien contre les nouvelles technologies mais franchement, vous avez déjà vu un enfant s’extasier devant une clé USB?

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D’ailleurs, à force de dématérialiser le monde (le monde du gaming a déjà rendu les armes), on peut se demander à quoi ressembleront les fêtes d’ici quelques années. S’échangera-t-on des disques durs gavés jusqu’à la gueule de films, de séries télé et de musique? Triste perspective. En attendant, et c’est pour le moins cocasse, les éditeurs sont obligés de ruser pour donner du poids à leurs trésors, comme dans la version digitale de ce coffret en trompe-l’oeil du barde Dylan: une grosse boîte rectangulaire contenant une autre boîte en forme d’harmonica qui abrite elle… une banale clé USB. Pas très folk tout ça.

C’est presque physiologique, un enfant choisira toujours le plus gros paquet qui se trouve sous le sapin. Effet de résilience oblige, si vous recevez un objet menu, même de valeur, vous ressentirez presque immanquablement une pointe de déception. Le pire sur l’échelle matérialiste étant évidemment l’enveloppe avec de l’argent. On peut certes s’imaginer à quoi le dépenser mais on passe à côté de l’excitation si particulière ressentie au bruit satiné du papier qui se déchire, cet instant magique où le désir à son apogée rencontre l’inconnu.

Un orgasme chaste lui aussi menacé. La gratuité s’étant répandue dans la société connectée comme un ver dans le fruit, la valeur sentimentale des biens a été revue à la baisse. La majorité des films, albums et même romans qu’on peut offrir ou recevoir est déjà accessible sur le Net, parfois même avant la sortie officielle. La différence, non négligeable, se fait donc sur ces petits détails accélérateurs de plaisir, comme la finition, les bonus, la qualité d’image.

Raison de plus pour en profiter tant qu’il en est encore temps. Bientôt, nous serons tous soumis au même régime des étrennes lyophilisées. Le Père Noël ne viendra plus de Finlande, il viendra directement de la Silicon Valley!

  • En vente dès le 28 novembre avec Le Vif/L’Express

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