Julien Broquet

Stage dying

Julien Broquet Journaliste musique et télé

Le 22 décembre, victime d’une crise cardiaque, Mike Scaccia, le guitariste de Ministry, a cassé sa pipe en plein concert. Qui dit mieux?

La chronique de Julien Broquet

« Il y a ceux qui veulent mourir un jour de pluie. Et d’autres en plein soleil. Il y a ceux qui veulent mourir seuls dans un lit. Tranquilles dans leur sommeil. Moi je veux mourir sur scène. » Dalida ne s’en est pas allée comme elle chantait le désirer. Elle s’est suicidée aux barbituriques dans sa maison de Montmartre. D’autres, qui s’en seraient bien passé, ont toutefois tiré leur révérence, l’ultime, à même les planches, les yeux dans les yeux avec leur public.

C’est ce qui vient d’arriver à Mike Scaccia . Le 22 décembre dernier, Scaccia joue dans un club de Fort Worth, au Texas, pour les 50 balais de Bruce Corbitt, le chanteur -ça ne s’invente pas- de Rigor Mortis. La raideur de la mort, soufflent les latinistes. Groupe que Scaccia avait lui-même fondé en 1983. Après avoir demandé qu’on éteigne les lumières stroboscopiques du club, le guitariste de Ministry s’effondre sur scène. Agé de 47 ans, victime d’un accident cardiaque, il sera déclaré mort à l’hôpital.

C’est la même fin qui a emporté Mark Sandman, du groupe Morphine. Le 3 juillet 1999, en plein concert, Sandman s’effondre sur le podium du Giardini del Principe à Palestrina, près de Rome. Il est déclaré mort peu de temps après d’une crise cardiaque. Il avait alors 46 piges.

Electrocution et crimes passionnels

S’il y a quelque chose d’involontairement héroïque et jusqu’au-boutiste dans l’idée de crever en exerçant son métier, sa passion, le choc psychologique a de quoi refroidir les amateurs de spectacle vivant. D’autant que tous ne quittent pas ce monde de brutes sur un discret arrêt du coeur ou une hémorragie cérébrale. Leslie Harvey, guitariste du groupe écossais Stone the Crows, s’est électrocuté avec un micro (et des mains mouillées) durant une prestation en 1972. Quant à Darrell Lance Abbott, le guitariste de Pantera et Damageplan, il s’est pris trois pruneaux lors d’un concert à la Alrosa Villa de Colombus, dans l’Ohio, le 8 décembre 2004. Nathan Gale, son bourreau, un ancien marine, lui reprochait la dissolution de Pantera. Il a également tué un spectateur, un employé du club et un membre de la sécurité avant d’être liquidé par un flic.

C’est par sa compagne que le jazzman Lee Morgan a, lui, été abattu le 19 février 1972. Le groupe est déjà sur scène pour son dernier set de la soirée et le trompettiste monte le rejoindre quand elle lui tire une balle en plein coeur. Elle l’aurait surpris avec une autre quelques heures auparavant.

Le rasta Judge Dread, la chanteuse africaine Miriam Makeba, le comédien bruxellois Dieudonné Kabongo et pas mal de prestidigitateurs maladroits… Il n’y a évidemment pas que les rockeurs et les jazzmen pour passer l’arme à gauche devant leur cour. En 1960, le baryton Leonard Warren s’est effondré sur la scène du Metropolitan Opera de New York alors qu’il chantait dans La forza del destino. Selon la légende, la dernière phrase qui sortit de sa bouche fut: « Morir? Tremenda cosa. » (« Mourir? Une chose terrible »). Il n’y a pas de bon endroit pour s’éteindre. Même sous le feu des projecteurs.

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