Critique | Musique

La réédition de la semaine: Grace Jones – Nightclubbing

Grace Jones © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

POP | Plus de 30 ans après sa sortie, Nightclubbing, magnum opus de Grace Jones, bénéficie d’une réédition aussi sobre que classe.

La réédition de la semaine: Grace Jones - Nightclubbing

Cela commence par la pochette. Dans une décennie qui restera marquée par le règne de l’image, l’artwork de Nightclubbing s’imposera comme l’une des plus iconiques. Tout y est: Grace Jones plus androgyne que jamais, glaciale dans son veston Armani pour homme, shootée par Jean-Paul Goude, photographe, designer, metteur en scène, et French lover de l’époque.

Sorti en mai 1981, le disque est non seulement le plus gros succès commercial de Grace Jones. Il est aussi sa plus grande réussite artistique, l’aboutissement d’une formule magique et d’un personnage dont l’impact ne s’est pas limité aux eighties: de Lady Gaga à Rihanna, son influence continue de percoler dans la musique pop actuelle.

Née en Jamaïque en 1948, arrivée aux Etats-Unis à l’âge de 13 ans, Grace Jones débutera une carrière de top model en France avant de revenir à New York. Fin des années 70, la ville est au bord du chaos. Fonctionnant comme un exutoire, nourris par la folie disco, les clubs s’y sont multipliés. Le Studio 54 est l’un des plus décadents, réunissant dans un même lieu vedettes du showbiz, noblesse dévergondée, people arty et freaks en tous genres. Grace Jones en est forcément. Avec Tom Moulton, inventeur du maxi et du concept de remix, héros essentiel de l’Histoire de la dance music, elle a enregistré ses trois premiers albums. En 1980, le disco subit cependant un violent ressac. Jones -et Chris Blackwell, producteur/patron du label Island- l’ont bien compris. Dès l’album Warm Leatherette, la diva recadre un peu son propos, lorgnant logiquement du côté de la new wave…

Under cover

Un an plus tard, Nightclubbing va consacrer ce nouvel état d’esprit. Enregistré aux Bahamas, à Nassau, dans les studios Compass Point de Blackwell, il est mis en boîte par une solide bande de mercenaires, à l’instar de la paire magique Sly & Robbie ou du claviériste Wally Badarou, Français d’origine béninoise. Le disque contient son lot de reprises -la spécialité de la diva longiligne- à commencer par le Nightclubbing d’Iggy Pop, transformé en un reggae décharné. Grace Jones y est plus hautaine que jamais. Use Me est une cover de Bill Withers, tandis que Libertango s’attaque à la mélancolie d’Astor Piazzolla. C’est l’un des tubes consacrés de l’album, avec Pull Up To The Bumper, morceau original celui-là, et classique insubmersible de la dance music.

Ressorti sans prétexte ni anniversaire particulier, le magnum opus bénéficie aujourd’hui du remastering de rigueur. La version deluxe (2 CD) comprend quasi l’intégralité des remix de l’époque (dont cinq versions de Pull Up To The Bumper), ainsi que deux inédits, dont une cover de Gary Numan (Me! I Disconnect From You) datant des sessions de Nassau. Au final, peu de disques correspondent autant à leur époque. Pourtant, si Nightclubbing incarne à la perfection les années 80, sa réédition montre aussi qu’il n’a rien perdu de son pouvoir d’attraction. Ni de sa blanche et froide modernité.

  • DISTRIBUÉ PAR ISLAND/UNIVERSAL.

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