Beyoncé au Sportpaleis, human after all

Beyoncé, au Sportpaleis ce 15 mai. © Parkwood Entertainment
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Après l’annulation du concert de la veille sur ordre du médecin, Mrs Carter a méchamment assuré mercredi soir. Impressions anversoises avant son retour au même endroit le 31 mai.

Postulat de départ: oui, Beyoncé Knowles est bien la reine de la pop actuelle. Moins vulgaire que Rihanna, plus dans le coup que Madonna, moins conceptuelle que Lady Gaga. « Un modèle pour les filles », dixit Michelle Obama. Depuis les débuts avec les Destiny’s Child, l’histoire semble avoir ainsi couler de source.

Pourtant, il y a bien quelque chose d’étonnant dans le parcours de Beyoncé. Une transformation lente, un glissement subtil, mais pas moins spectaculaire: comme un vernis qui (fait mine de) craqueler. De chanteuse robot et un poil rigide, Beyoncé Knowles est aujourd’hui devenue l’hyperstar, certes toujours maîtrisée, mais plus ouverte. Exemple: ce drôle de moment où la reine r’n’b fait mine d’exhiber un bras à la peau un peu trop pendante, chantant « I’m a host of imperfection » (Flaws and All). Juste avant, Mrs Carter s’est arrêtée deux secondes, revenant sur sa défection de la veille, pour cause « d’épuisement et de déshydratation »: « Mon docteur m’avait conseillé d’également annuler cette date-ci. No way! ». Avant d’ajouter, le regard embué, « it feels so good to be on stage ».

Après, la reine reste la reine. Quand les lumières du Sportpaleis s’éteignent sur le coup de 21h, une vidéo montre la star en Marie-Antoinette ultra-poudrée. Premier feu d’artifice avec cette question rhétorique: Who Run the World? Les filles forcément. Sur scène, hormis une paire de danseurs jumeaux (les Twins français, Laurent et Larry Bourgeois), le personnel est entièrement féminin: du groupe (une bonne quinzaine de musiciennes, alignées en hauteur sur le fond de la scène) aux autres danseuses. Une manière de corriger le tir pour ceux qui auraient vu dans le titre de la tournée (The Mrs Carter Show World Tour), une allégeance rétrograde de la diva à son mari Jay-Z. Plus tard, un bout de la vidéo de Bow Down est projeté: « J’ai pris mon temps pour vivre enfin, mais ne pensez pas que je suis juste sa petite femme. Ne vous méprenez pas.«  Girl power à la Beyoncé, mais girl power quand même.

Une autre séquence « versaillaise » la montre en monarque paumée, errant parmi les détritus, se cognant aux murs écaillés d’une maison en ruine. À la fois trash et glamour. Il y a du Kanye West, ici, et encore ailleurs (un sample de Clique dans Diva, les tutus de Runaway, l’imagerie royale à la Watch the Throne…). Comme si le rappeur, avec sa manière de vomir son ego, failles comprises, avait montré la voie à Beyoncé, capable aujourd’hui de baisser la garde (ou de faire comme si).

Il ne faudrait malgré tout pas trop se leurrer. Le scénario reste parfaitement huilé, calé à l’extrême, avec des chorégraphies et une occupation de la scène que l’on devine répétées à la mimique près. Un « show à l’américaine », avec tout ce que cela peut avoir de rouleau compresseur et de désincarné. Mais aussi d’irrésistible et de foutrement efficace. Avec un jeu de lumière étonnamment sobre et une utilisation des écrans aussi simple que subtile et intelligente. Certes, la belle change de tenues bien trop souvent, et le show r’n’b ne peut se passer du traditionnel solo kitsch de guitare hard rock – jusqu’aux étincelles sortant du manche (Dirty Diana style). Mais pendant près de deux heures, la star enfile aussi les hits à la chaîne, en dansant et chantant. Pour de vrai. Au deux tiers du spectacle, elle a atterri sur une 2e scène installée au milieu du public. Agenouillée, elle tend son micro à une fan qui commence à reprendre Love On Top. Beyonce l’aide alors en reprenant le refrain acapella: deux phrases à peine, mais balancées avec une puissance et une sauvagerie complètement bluffantes. Beyoncé = Tina Turner 2.0.

Dans la dernière ligne droite, après l’intro de Countdown, le public a droit à Crazy in Love -son catwalk callipyge- puis Single Ladies –ses déhanchés saccadés-, avant une version « africanisante » de Grown Woman. En rappel, Mrs Carter entame encore I Will Always Love You de Whitney Houston, mettant un point final avec la ballade Halo. La conclusion de la soirée est évidente, l’hypothèse de départ confirmée: oui, Beyoncé est bien la reine de la pop actuelle. L’artiste est une machine certes. Mais une belle machine. Comme disait Mohammed Ali, « float like a butterfly, sting like a Bee… »

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