On a écouté le nouveau Depeche Mode

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

On a eu chaud chez Sony Belgique. Ce matin encore, l’unique exemplaire de Delta Machine n’était toujours pas arrivé. Pas simple quand on a programmé une session d’écoute pour 14h, invitant la presse, au studio Dada à Schaerbeek (au numéro 101 de la rue, pour un disque de Depeche Mode, ça ne s’invente pas). C’est pas ça, on aurait bien filé un torrent pour dépanner… Mais finalement le Graal est bien arrivé à temps…

Depuis ce mardi, Delta Machine est en écoute intégrale sur iTunes: http://smarturl.it/DeltaMachineStream.

A se mettre dans les pavillons, 13 titres pour un 13e album. Avec forcément cette question: les amis Gore, Gahan et Fletcher ont-ils encore quelque chose à dire? Eux qui jusqu’ici ont évité le disque de trop. Sans forcément toujours trouver autant d’écho que pendant les sommets des années 80 et 90, mais en ne lâchant rien, et en restant toujours aussi populaire, continuant à remplir des stades.

A propos de stade, on a toujours pensé que donner un avis sur un disque après une seule écoute revenait plus ou moins à se retrouver dans la peau d’un footballeur, lors de l’interview d’après-match: pas sûr qu’on ne regrette pas rapidement l’une ou l’autre phrase. Plaqué devant le panneau Jupiler, entre deux platitudes, voici donc nos premières impressions sur Delta Machine.

1. Welcome to my world
Ça démarre par un bourdon à la Skrillex, genre DM goes dumb-dubstep. Sérieux? Naaaan, c’est bon, on rigole. Enfin plus ou moins. Le fait est que les cordes arrivent rapidement pour animer une sorte de faux-climax, qui s’arrête avant l’orgasme. Ou la tragédie, c’est selon. « All the drama queens are gone/and the devil got dismayed », chante Gahan, qui serait donc bel et bien apaisé…

2. Angel
DM a toujours mobilisé l’imagerie religieuse et les questions de foi dans sa musique. C’est forcément encore le cas avec Angel, et Heaven, le morceau suivant. « Like all the sinners before me/I knelt down on the ground ». En d’autres mots, ce n’est pas aujourd’hui que Depeche Mode va bouleverser son champ lexical… Plus gênant, la guitare du morceau renvoie un peu trop directement à celle d’I Feel You, sans le côté bombastic. Autocitation?

3. Heaven
Le single. Pas mal en fait. Une stadium ballad avec un piano qui tranche avec les climats jusqu’ici assez sombres du disque.

4. Secret to the End
Ah, désolé, la liste des courses à faire, on a un peu perdu le fil…

5. My Little Universe
Où l’on se dit que Depeche Mode n’a pas toujours reçu les hommages qu’il méritait, influence trop peu citée alors que le groupe a marqué plusieurs générations. Les programmations cubiques qui ouvrent le titre, leur côté légèrement vintage: Thom Yorke aurait très bien pu les utiliser pour son projet électro Atoms for Peace. Après quelques mesures, Gahan vient poser sa voix. L’effet est un peu étrange (mais pas forcément désagréable): un peu comme s’il chantait une autre chanson, peinant à la coller au matériel sonore dont il dispose.

6. Slow
Une suite d’accords de guitare, à la John Lee Hooker. Ah oui: de par son titre-même, Delta Machine fait référence au blues (le Delta du Mississipi donc, pour ceux qui n’auraient pas suivi). Comme à l’époque de Violator, par exemple. Et ça fonctionne toujours.

7. Broken
Le morceau sonne comme s’il avait repêché des sessions de Music for the Masses, voire Black Celebration. Mais sans le refrain qui tue, mais avec un final full guitares en dérapage contrôlé.

8. The Child Inside
Martin Gore au micro pour la ballade lente et dépouillée. De circonstances.

9. Soft Touch/Raw Nerve
Après le calme, la tempête. Beat énervé (160 bpm genre?). Le trait un peu forcé, mais plutôt efficace.

10. Should Be Higher
On relit nos notes: « bruit de vagues lancinant, beat étouffé ». Débrouillez-vous avec ça. Ah oui, Gahan aussi qui n’a pas peut-être jamais chanté aussi aigu, aussi étranglé. « Your lies are more attractive ».

11. Alone Peut-être le morceau le plus réussi du disque. Bruit de sirènes industrielles, claviers nocturnes qui sentent bon le bitume eighties… A nouveau, l’atmosphère est dark, tendue.

12. Soothe My Soul
L’autre tempo plus excité de l’album, mais pas de quoi non plus se prendre la tête dans les baffles.

13. Goodbye
DM a déjà son morceau de clôture pour sa prochaine tournée des stades/festivals. A nouveau, une guitare blues donne le ton, mais ici dans sa version malienne, blues du désert. Avant de voir débouler des claviers vintage, made in 82.

Bilan final: plutôt un bon match de Depeche Mode, qui a appris à jouer avec ses points forts, et faire oublier ses points faibles. Une vraie info quand même: jamais Gahan n’a pris autant part à la composition des morceaux, quasi à part égale avec Martin Gore. Certes, pas de hit évident à se mettre sous la dent. Mais le groupe le répète à qui veut l’entendre: Delta Machine est un disque de BLUES. Électronique forcément. Adulte aussi. Qui ne rénovera pas le mythe Depeche Mode de fond en comble. Mais qui ne devrait pas non plus l’endommager, tant Delta Machine reste construit sur des paysages auditifs souvent complexes et intrigants.

Depeche Mode sera à Rock Werchter le dimanche 7 juillet prochain. www.rockwerchter.be

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