Fallait pas m’inviter, semaine 4: Ouf’Ti Amo

Revenu de ses chroniques nocturnes, Guillermo Guiz plonge cette année dans le monde du spectacle et de l’art. Pour y découvrir des formes que sa grossière inculture lui avait cachées jusqu’ici. Fallait pas m’inviter, ça se poursuit ce vendredi. Avec un concert d’Umberto Tozzi.

J’étais vierge, niveau Srin. Oui, parce qu’à Seraing, on dit Srin. Les lignes que je vais dérouler ci-dessous devront, d’ailleurs, c’est un ordre, être lues avec l’accent liégeois. Parce que c’est ainsi qu’elles seront écrites. « Umberto Tozzi au Centre culturel de Seraing, mortel non? », avais-je émilidé à mon bien-portant rédacteur en chef. « … », m’avait-il répondu avec cet entrain démesuré qui le distingue des Hommes. Mortel… Encore fallait-il passéralac (ton accent liégeois, s’il te plaît) et s’engager vers Srin, en cette fin de journée d’automne où le soleil, faiblard, venait de rappeler au bon peuple qu’il faudrait bien vite se passer de ses services. Hier. La E40, je gère. Durant mes douces années Biactol, j’ai footballisté au Standard de Liéch, true story. Alors Leuven, Tienen, Beerlaar, Waremme, Lincent et les autres (copyright Claude Sautet), je connais par coeur. Cela posé, arrivé près de Srin, ce jeudi soir, je me perds. Mon GPS a la méningite et va-t-en demander ton chemin, le long de la Meuse, entre Srin et Sclessin. Pas une âme qui vive. En tout cas pas hors des usines sidérurgiques, colorées comme des télés éteintes et joyeuses comme des C4 à la chaîne.

A force de volonté pourtant, le doigt pressé sur l’embout électronique de l’appareil, je finis par ramener le GPS à la vie. Et par trouver le chemin du Centre culturel de Srin. « Tu vas pour te moquer », m’avait-on susurré. Oui. Et non. Parce que l’ami et néanmoins collègue Laurent Hoebrechts, bien plus au fait que moi de la chose musique, m’avait prévenu: « Respect à Umberto Tozzi! » Jouirait-il d’une crédibilité artistique à côté de laquelle je serais tristement passé? Pour moi, musique italienne, hors Paolo Conte, rime avec restaurant italien: on mange bien, mais on sort vite. A cause d’Eros et de ses copains. Umberto Tozzi, dans mon souvenir, c’était tout de même Ti Amo, un slow bien pourri du slip. Umberto Toz’, oui. Ou je rêve?

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De toute façon, même au cas où le chanteur gérerait pour de vrai (un deuxième avis autorisé allait dans le sens de Laurent), il me restait toujours la première partie du spectacle. Assurée par Mario Barravecchia. Mieux connu sous le nom de Mario de la Star’Ac. N’empêche, rire c’est rire, pisser dans mon chapeau et dire que je transpire, c’est plus rire: c’est pas tout de se l’imaginer, faut se le coltiner en live, le Mario. Alors, arrivé au Centre culturel de Srin, mon courage est en mode demi-mou, je patiente un peu. Histoire de louper ce qu’il faut de Mario, mais d’en garder suffisamment pour nourrir ces lignes. Quelques stands tapissés de produits italiens font parfaitement l’affaire. Et pendant que je mange un quartier de pizza sec comme un coup de trique dans le désert (l’arnaque du siècle, cette pizza), un prospectus m’informe qu’il serait bon d’y revenir bientôt: Tino De Napoli et son orchestre assureront l’after-party d’un événement dont j’ai oublié le nom, mais qui a l’air canon. On mange on mange, mais quand faut y aller, faut y aller. Je m’incruste. Dans un rang du milieu. Doit y avoir mille personnes, voire plus. Et ça chante en choeur, avec Mario. Des airs traditionnels, je présume: c’est pas qu’il a sorti mille tubes, l’ami à Jean-Pascal.

Mario, il a une belle voix. Vraiment. Bien casse-couille aussi. Promis. Et des grosses cuisses dans son jeans. Un vrai crooner qui fait applaudir les ménagères, et fait des sketches entre les chansons populaires, genre Buona Sera, O sole moi, Tu vuo fa’ l’americano et tout. Un peu avant, séquence émotion: « Cette chanson, j’ai eu la chance de l’interpréter avec un grand artiste, qui n’est plus là aujourd’hui, Gregory Lemarchal ». Le public: « Ohhhhhh. » Un peu après, séquence humour. En Italien: « Je veux dédier cette chanson à toutes les signorinas. » Suivi du français, avec l’accent de Montegnée: « Même si elles nous font mal à la tête. » Le public: « Ahhhhhh. » Bon Mario, t’es adorable, mais il est 21h. Dans pas si longtemps, ces mots doivent être bouclés. Merci, bonsoir.

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La lumière finit par se faire. Entracte. D’un siège à l’aise, en plein no man’s land, on me déplace dans la rangée extérieure, les jambes cadenassées entre deux femmes à Kodak. Je remarque: un garçon porte une grosse chaîne en or et une fille un collier où son prénom est écrit en bijoux. Mais je ne généralise pas. Parce que ce serait mentir. Noir. Les musiciens d’Umberto arrivent. Ils sont deux, une guitare électrique et un saxo. Le batteur et les choristes sont cachés dans le Mac Pro. Ca fait un peu cheapounet, mais on est en formule acoustique apparemment. La star du jour finit par débarquer, sous les hourras. Look de prof de dessin allemand, longue chemise blanche sur bide, cheveux mi-longs, mais conjugués au passé. Les premiers morceaux, un peu pop-rock comme ça, tiennent bien la route. Assise devant moi, une femme à permanente risque à tout moment la rupture de poignet, tant ses applaudissements sont enthousiastes. Elle n’a encore rien vu: Ti Amo approche et tous les appareils photos se brandissent. Je me dis que les gens sont cons, parce que sur la photo, on n’entend pas la musique. Puis je me dis que je suis con, parce que sur les appareils photos de l’an 2010, y’a des caméras. La salle frémit d’amour, tous reprennent les paroles ensemble, unis à Srin, devant un Umberto frivole. C’est quand il reprend Petite Marie en italien que je me dis que tout a une fin. Et qu’il serait bon d’enjamber mes voisines, d’aller écrire ces lignes et de conclure: je reviendrai, mais pas tout de suite (dans longtemps, si possible).

Guillermo Guiz

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