Critique

On the Road

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ROAD MOVIE | Walter Salles, l’auteur des Diarios de Motocicleta, adapte avec bonheur On the Road de Jack Kerouac. Un projet hors normes, une histoire de voyages et de rencontres.

On the Road, road movie de Walter Salles. Avec Sam Riley, Garrett Hedlund, Kristen Stewart. 2h17. Sortie: 06/06. ****

« Ceci n’est pas un récit d’exploits impressionnants; c’est un fragment de vie de deux êtres qui ont parcouru un bout de chemin ensemble. » Empruntée aux Notas de viaje d’Ernesto Che Guevara, la citation qui ouvrait les Diarios de Motocicleta de Walter Salles aurait tout autant pu servir d’avertissement à son On the Road. Soit l’adaptation du roman culte de Jack Kerouac, et un film centré sur un duo de personnages, Sal Paradise et Dean Moriarty, doubles de fiction de Kerouac lui-même et du charismatique Neal Cassady, battant le bitume américain en tous sens au tournant des années 40 et 50 -clochards célestes en conviant beaucoup d’autres à leur banquet de bohême.

L’aventure, fantasme compris

Quoique incontestablement cinématique, le livre était réputé inadaptable, nombreux étant d’ailleurs ceux à s’y être cassé les dents, de Francis Ford Coppola à Gus Van Sant. En cause, notamment, l’écriture du romancier, en forme de jet d’inspiration continue et incontrôlée, qui devait laisser une marque indélébile sur la littérature américaine, n’en déplaise à Truman Capote, dont l’histoire a retenu le commentaire acerbe: « That’s not writing, it’s typing. » Mais aussi le côté fouillis d’un récit à l’image de ses protagonistes -libre comme l’air; et, partant, bible d’une génération et au-delà: On the Road, c’est déjà l’aventure, fantasme compris.

Pour la retracer, Salles a, pour sa part, choisi de refaire la route, remontant l’itinéraire suivi par Kerouac et ses amis Beats, comme pour mieux s’en imprégner. Son adaptation ne se hasarde pas à tenter l’impossible, à savoir restituer la lettre du rouleau mythique, mais bien à en retrouver l’esprit. Cela, en emboîtant le pas de Sal Paradise (Sam Riley), un apprenti-écrivain new-yorkais, et Dean Moriarty (Garrett Hedlund), un jouisseur au charisme irrésistible, au moment où les deux compagnons décident de prendre la route avec Marylou (Kristen Stewart), la femme du second, pour ce qui sera une ode enfiévrée à la liberté, faite de pérégrinations et de rencontres en tous sens -avec, d’ailleurs, diverses apparitions pas piquées des hannetons, celles de Viggo Mortensen et de Steve Buscemi en particulier.

L’adaptation s’annonçait sans nul doute délicate, Salles s’en acquitte avec bonheur. Certes, son film, que porte un magnifique collectif d’acteurs, est objectivement plus sage que la prose de Kerouac. Reste que son On the Road vibre du souffle enivrant de la liberté, road-movie articulé à la manière d’un morceau de jazz autorisant de nombreuses improvisations, comme autant de fugues ouvrant sur le monde. À bien des égards, le film apparaît d’ailleurs comme le miroir du Diarios de Motocicleta susnommé, à la naissance d’une conscience politique répondant celle d’une conscience artistique, le voyage ayant notamment pour effet de révéler Kerouac à lui-même. La transformation n’ira par ailleurs pas sans quelque amertume et une mélancolie sourde qui fait aussi le prix de cette aventure vibrant de l’énergie de l’instant vécu dans son urgence fugace. De quoi, en tout état de cause, faire un intense moment de cinéma.

J.F. PL.

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