Les Girls in Hawaii nous ensoleillent avec Plan your escape. Un second disque magistral. En exclu, le septet nous commente son dernier album… photos

Mi-décembre. 10 heures. Ça caille sec à Auderghem. Les Girls in Hawaii ne nous ont pas ramené le soleil. Rendez-vous a été fixé dans leur local. Une ancienne salle de projection de l’armée belge. Un bâtiment froid et décrépi qui semble à l’abandon. Près de la seule source de chaleur de l’immeuble (un petit chauffage électrique) gambade un lapin. Les Brabançons l’ont utilisé pour certains de leurs visuels.

Quelques anecdotes (le temps d’apprendre que le concierge des lieux les empestait en cuisant ses frites dans le couloir) et un petit tour du propriétaire plus tard, nous voilà dans un café de quartier pour disserter sur Plan your escape. Un second album qui s’est fait attendre mais tient toutes ses promesses. Avec un tas de mélodies à tiroirs, une construction savante et pourtant une évidence déconcertante. A leur manière, les Girls réinventent la pop music et lui ôtent toute connotation péjorative. Evitant soi- gneusement banalité et facilité, Plan your escape est le genre de disques qui vous réconcilie avec les stations de radio. Une collection de tubes intelligents qui résistera à l’écoute intensive imposée par des playlists agressives.

ENFANTEMENT DIFFICILE

Leur nouvelle plaque, les Girls ne l’ont pas composée dans leur tanière. Ce refuge est avant tout leur salle de répétition. Ils y ont associé l’angoisse de la page blanche, de la plume à sec et du musicien fonctionnaire.  » Nous avons connu une espèce de traversée du désert, reconnaît Antoine en se remémorant la grossesse douloureuse. Nous avons tout essayé. Les horaires fixes, les coups de pied aux fesses… Mais rien de tout ça n’a marché. Malgré tout, on ne se rend pas compte du temps qui passe. A un moment, le label, qui est toujours resté très cool, nous a dit qu’il fallait que ça bouge, sinon notre second disque ne verrait jamais le jour. »

Et pour cause. La vie des Girls a changé. Si From Here to there correspondait au dernier acte naif de leur adolescence, Plan your escape marque leur entrée dans l’âge adulte.  » Avant, nos études voire un job alimentaire occupaient nos semaines, se souvient Lionel. La musique représentait une détente, une respiration. Aujourd’hui, ce petit truc ludique est devenu notre quotidien. Ç a laisse rêveur a priori. Mais concrètement, au final, on ne sait pas trop comment s’y prendre et par quoi commencer. »

D’autant que très rapidement, le temps semble long pour ceux qui attendent.  » La situation a fait peser une pression malsaine sur les épaules de Lionel et Antoine qui doivent pondre la base des morceaux, explique Denis. Pendant tout un temps, ils se sont retrouvés dans la situation d’un prof qui arrive en classe et n’a rien à dire à ses élèves.  » Chacun a dès lors cherché une façon de s’occuper. L’un a vendu des meubles à Eupen, déguisé en romain. L’autre a joué le rôle de régisseur, d’homme à tout faire dans une école de cirque.  » Les semaines me semblaient longues, explique Daniel. Je voulais rester disponible mais en même temps structurer mes journées. C’était davantage une question de psychologie que d’argent. Le simple fait de peindre un mur ou de planter des clous m’aurait fait du bien. »

C’est au fin fond des Ardennes, éloignés de tout, coupés du monde et des leurs, que les Girls ont le plus avancé. Dans des maisons en pierres  » avec du plancher en bois qui craque« .  » Pas d’Internet, de télé ou de téléphone. Nous devions parcourir 300 mètres pour trouver du réseau et donner des nouvelles », entonnent-ils d’une voix.  » Ce qui a le plus de valeur à nos yeux, ce n’est pas un studio high-tech, insiste Antoine. C’est le temps. Si la batterie sonnait bien dans une chambre avec huit lits superposés, nous pas- sions une après-midi à démonter et déménager les meubles pour finalement nous rendre compte que ça ne donnait pas si bien que ça.  »

MISE EN SCèNE PUDIQUE

Si Paul, John, George et Ringo ont eu quelques cinquièmes Beatles, Antoine, Denis, Lionel, Daniel, Brice et Christophe n’ont qu’un(e) septième Girl: Olivier. Projections, pochettes…, il prend en charge tout l’aspect visuel du groupe. Mais pas question de cultiver le culte de la personnalité.  » Certains groupes et artistes se mettent très bien en scène, conviennent les Girls. Parviennent à jouer avec leur physique, avec leur charisme. PJ Harvey par exemple est douée. Elle arrive à dépasser son image. Comme Björk ou les White Stripes.  » Les Girls préfèrent se la jouer relax.  » Que ce soit sur nos pochettes, dans nos clips ou lors de nos concerts. Mais si nous accordons une grande importance à l’image, nous sommes pudiques. Nous n’aimons pas nous afficher, nous mettre en évidence. Nous ne nous trouvons pas vraiment glamours. Nous préférons créer une dimension imaginaire, onirique. »

Et cette dimension colle à leur musique. Plan your escape, c’est un peu le Fly me to the moon du rock wallon. La lune brille et on se la joue 3D. Les Girls in Hawaii déjouent tous les plans. Aucun doute. L’échappée résistera au peloton jusqu’à la ligne d’arrivée.

TEXTE JULIEN BROQUET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content