Zero Dark Thirty: une apologie de la torture?

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Stagiaire Le Vif

Le film coup de poing sur la traque de l’ex-n°1 d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, crée la polémique. La presse américaine estime que le dernier film de Kathryn Bigelow présente la torture comme une technique nécessaire pour obtenir des informations.

Dans ce film racontant la traque de Ben Laden par la CIA, la réalisatrice de Démineurs (2009, Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur notamment) et Point Break (1991), Kathryn Bigelow, n’épargne pas le spectateur lorsqu’il s’agit de montrer les techniques d’interrogation utilisées par l’agence américaine. Les deux principaux agents du film joués par Jessica Chastain et Jason Clarke emploient entre autres le « waterboarding ». Cette technique consiste à ligoter l’interrogé sur une planche inclinée avec la tête plus basse que les pieds. On verse alors de l’eau sur la tête recouverte d’un tissu. La respiration devient très difficile et l’interrogé est maintenu dans l’angoisse d’une mort par asphyxie.

Le reproche principal formulé par les premiers critiques et éditorialistes américains ayant vu le film est le suivant: Zero Dark Thirty fait l’apologie de la torture, en montrant avec complaisance de longues scènes de supplice, et notamment la rituelle simulation de noyade infligée aux présumés « terroristes » tombés aux mains des services américains après le 11 septembre 2001. The Guardian affirme même que le film prône la normalisation de la torture. « La normalisation de la torture, et tous les crimes commis par le gouvernement américain au nom de la guerre, est la raison du succès de ce film », déplore le quotidien.

Frank Bruni, chroniqueur au New York Times, a également déclenché de vives discussions dans sa chronique du dimanche intitulée « Bin Laden, Torture and Hollywood ». Dans cette chronique, il estime que Zero Dark Thirty dépeint la torture comme cruciale à la capture d’Oussama Ben Laden. « Pas de waterboarding, pas de Ben Laden: c’est ce que Zero Dark Thirty semble suggérer », analyse Frank Bruni en parlant des 30 premières minutes du film qui montrent un suspect se faire malmener par des agents de la CIA.

Qui plus est, c’est à la suite de tels sévices qu’est révélé le nom du coursier qui permet ensuite de remonter jusqu’à Ben Laden dans le film. Une grave contrevérité historique selon le gouvernement américain. Celui-ci assure que les supplices infligés aux prisonniers détenus par les Américains n’ont jamais été décisifs dans l’obtention d’informations valables dans la guerre contre le terrorisme.

Kathryn Bigelow s’est pour sa part défendue d’être pro-torture en expliquant en entrevue au New Yorker, cette semaine, que « le film n’a pas d’agenda, et qu’il ne juge pas. » Son scénariste, Mark Boal, ajoute: « C’est de la fiction, pas un documentaire. Nous essayons de souligner que le waterboarding et d’autres tactiques sévères faisaient partie du programme de la CIA. » La réalisatrice confiait également au magazine Entertainment Weekly récemment: « C’est une partie de l’histoire et nous voulons montrer cette histoire. Nous voulions recréer la complexité psychologique de ces interrogatoires. »

D’autres critiques, comme Spencer Ackerman, reporter et blogueur américain spécialisé dans les questions de sécurité nationale, sont plus indulgents: « S’il s’agit de défendre l’utilité de la torture, c’est mal défendu. » En revanche, « l’inhumanité de la torture est fortement défendue », écrit-il dans Wired. Certaines scènes du film donneront au spectateur « honte d’être américain », mais le final le rendra au contraire « très fier d’être américain », rassure le journaliste.

Le film sortira en Belgique le 30 janvier 2013. Nominé il y a peu aux Golden Globes et bien engagé pour la course aux Oscars, Zero Dark Thirty n’a pas fini de faire parler de lui.

Ivan Chorine (stg)

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