Maître Jacques Vergès, l’avocat de la terreur

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Barbet Schroeder signe un portrait féroce, singulier et fascinant du célèbre avocat Jacques Vergès, véritable personnage de romans aux multiples vies et facettes.

Cheminer à travers la vie de Jacques Vergès, c’est comme ouvrir le livre de la décolonisation, des luttes armées contre l’oppression. Ce livre, l’excellent réalisateur français d’origine suisse Barbet Schroeder nous le lit en sautant quelques pages, mais en conservant l’essentiel, le fil rouge d’une vie de révolte.

Ce n’est pas la première fois que Schroeder, à qui l’on doit notamment des fictions hollywoodiennes comme JF partagerait appartement, Le Mystère Von Bulöw ou L’Enjeu, s’attaque à la forme documentaire pour croquer l’univers d’une personnalité controversée. Il l’avait fait pour Amin Dada en 1974, il remet le couvert pour ce portrait de Jacques Vergès, l’un des plus célèbres avocats de la planète.

« C’est un personnage de roman », souligne Schroeder. Parce qu’il fut de tous les combats anticolonialistes, qu’il a été surveillé, menacé, amoureux de ses clientes (il épousera notamment la figure légendaire de la révolte algérienne, la jolie poseuse de bombes Djamila Bouhireb), qu’il a disparu des années sans laisser de traces et qu’il a défendu les indéfendables, des dictateurs, des tortionnaires, des meurtriers en série… « Auriez-vous défendu Hitler? », lui demande-t-on en fin de film. « Je défendrais même Bush. A condition qu’il plaide coupable », réplique l’avocat, dans une sentence terrifiante de sous-entendus.

Froid dans le dos

Schroeder pilote une équipe d’enquêteurs bien décidés à fouiller les coins et recoins de ce destin hors norme, celui d’un adolescent pris aux tripes par la colonisation, lui le Franco-Algérien né d’un père réunionnais et d’une mère vietnamienne. Toute sa vie, il fera payer à la France son passé colonisateur: quand il défendra le tortionnaire nazi Klaus Barbie, c’est le procès des agissements français en Algérie qu’il mènera.

Images d’archives, face caméra de Vergès lui-même, témoignages d’anciens terroristes et combattants (où se situe la frontière entre les deux notions, le film en fait l’une de ses thématiques sous-jacentes principales, L’Avocat de la Terreur est une plongée fascinante dans l’histoire des luttes armées, de l’indépendance algérienne à la cause palestinienne. Vergès est un homme brillant, romantique, sensible, glacial, tordu, provocateur. Son ego à la taille d’un arbre centenaire et ses propos complaisants envers Pol Pot font froid dans le dos. Mais on reste scotché à l’écran.

L’avocat de la terreur, 20.40 sur Arte.

Documentaire de Barbet Schroeder.

Guy Verstraeten

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