Festival de Cannes – Jour 10: Uncle Boonmee, celui que l’on n’attendait pas

Le 63e Festival de Cannes s’est donc achevé sur une surprise, avec la Palme d’or octroyée à « Uncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures », du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul.

Le 63e Festival de Cannes s’est donc achevé sur une surprise, avec la Palme d’or octroyée à « Uncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures », du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. Un film étonnant, qui s’inscrit toutefois dans la lignée de l’oeuvre d’un auteur découvert à Cannes en 2002 avec « Blisfully Yours », avant d’obtenir le prix du jury, deux ans plus tard, pour « Tropical Malady ».

Il est question, dans « Uncle Boonmee », de réincarnation et de migration des âmes, le film racontant les dernières journées d’un homme condamné par une insuffisance rénale aigüe. Retourné auprès des siens, dans la campagne thaïlandaise, il retrouve aussi les fantômes de sa femme et de son fils, ce dernier sous les traits d’un singe. Ce n’est pas là, pour autant, la seule étrangeté d’un récit méditatif, qui le verra bientôt s’enfoncer dans la jungle en compagnie de ses spectres…

Recevant la Palme d’or, Weerasethakul a tenu à remercier les esprits et fantômes qui avaient entouré la réalisation de son film. « Uncle Boonmee » tient du voyage hanté, en effet, et se pose en expérience sensorielle. C’est un film ardu, sans aucun doute, voire hermétique, mais aussi captivant pour peu que l’on s’y abandonne, et qui renoue avec l’esprit du cinéma le plus pur, tout en dévoilant, entre langueur et fulgurances visuelles, un monde chargé de mystères. On peut, dans le chef de Tim Burton, et de son jury, parler de Palme de l’audace. C’est aussi, en la personne d’Apichatpong Weerasethakul, la reconnaissance d’un cinéaste singulier.

La suite du palmarès est par contre plus conforme aux attentes, puisque à l’exception de Mike Leigh, l’ensemble des favoris se partagent les honneurs. Le prix d’interprétation à Javier Bardem, pour « Biutiful », d’Alejandro Gonzalez Inarritu, s’imposait. La surprise vient là du fait qu’il doive le partager avec Elio Germano, excellent cela dit dans « La Nostra Vita », de Daniele Luchetti. De même, la prestation frémissante de Juliette Binoche dans « Copie conforme », d’Abbas Kiarostami, méritait d’être saluée.

Le prix du scénario à « Poetry », de Lee Chang-dong, .et le Grand Prix à « Des hommes et des dieux », de Xavier Beauvois, récompensent pour leur part deux des grands films de cette cuvée 2010 -l’un comme l’autre auraient d’ailleurs pu briguer la Palme d’or. Enfin, Mathieu Amalric prix de la mise en scène, c’est rendre justice aux qualités euphorisantes de sa « Tournée », le Prix du jury à « Un homme qui crie », du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun n’apparaissant pas moins judicieux, tant cette oeuvre simple recèle une force peu commune. Soit, entre audace et valeurs sûres, un palmarès à l’image d’un cru cannois finalement de bonne facture, auquel il aura toutefois manqué une oeuvre emblématiqque et fédératrice comme « Le Ruban blanc », de Michael Haneke, l’an dernier. « Another Year », de Mike Leigh, aurait pu être celle-là; le jury en a décidé autrement.

Jean-François Pluijgers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content