Critique

Green

Le documentaire Green nous transporte de la luxuriance de la forêt indonésienne au cauchemar qu’entraîne sa destruction.

Cinquante minutes et pas une parole, pas un dialogue, pas un commentaire, rien. Juste des sons. Les bruits de la forêt, ceux que la civilisation, et les râles d’un singe mal en point. Green est une femelle orang-outan dépossédée de son environnement, chaînon manquant entre la quiétude de la nature et le vacarme infernal des fabriques de meubles, imprimeries, usines d’extraction d’huile de palme. Et Green va mourir. Ce n’est pas vraiment une surprise: recueillie par des hommes qui en prennent soin dans un refuge où l’on trouve plus de 600 orangs-outans rescapés, elle dort nuit et jour, langée, médicamentée, perfusée, nourrie à la pipette. Son visage, terriblement expressif, presque humain, laisse entrevoir des signes évidents de dépression. Ses yeux sont les miroirs de ses tourments.

Un désespoir qui gagne petit à petit le téléspectateur confronté à ce film militant qui joue les tire-larmes pour conscientiser à l’écologie, et qui raconte la déforestation et la folie des grandeurs à travers l’iris de plus en plus opaque de Green.

Anxiogène

Le réalisateur indépendant Patrick Rouxel est parti plusieurs mois en Indonésie, seul dans la jungle de Bornéo, caméra au poing. L’Indonésie possède le taux de déforestation le plus élevé au monde: son écosystème est en péril.

Pourtant, là où la main de l’homme n’a pas encore tout dévasté, le spectacle est saisissant: un éléphant s’abreuve dans un filet d’eau au milieu de singes acrobates, d’élégants rapaces, de reptiles étonnants. La végétation luxuriante exhale une brume de conte de fées. Rouxel rompt le charme en opposant à cet eden de sérénité des images de consumérisme effréné et de destruction habillées d’une musique anxiogène à base de tchic et de boum.

Un procédé binaire, manichéen, simpliste même, mais plutôt efficace. Green a remporté des prix partout où il a été présenté. En mémoire de son anti-héroïne, au regard pénétrant impossible à oublier.

Myriam Leroy

Green, documentaire de Patrick Rouxel. ***

Ce samedi 15 octobre à 21h05 sur La Trois.

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