Francofolies de Spa 2011: le dernier jour, avec Kaer, et un premier bilan

© Frédéric Pauwels

Entre les Calogero et autres Stromae, les Francos se sont modernisées, adaptées aux goûts du jour, sans perdre leur côté sympa, assez loin de l’oppression sécuritaire et des prix flambés d’autres festivals que l’on ne nommera plus.

Avant de partir et de laisser la chronique dominicale spadoise à notre excellente consoeur Myriam Leroy, spécialiste notoire du R & B et des cocktails à 50° (d’alcool pas de température), on parcourt Spa le dimanche midi. C’est à peu près aussi animé qu’un jour de deuil à Berlin-Est (avant la chute du Mur), l’accent wallon s’échappant des gueules de bois de la veille. On repense à cette scène du samedi soir au centre ville: un djeunes mec hurle « Il m’a cassé la gueule« , pleurnichant le sang qui rougeoie la zone nasale alors que quelques mètres plus loin, son agresseur présumé, réplique « Je vais lui mettre une pêche« . Sans beaucoup de conviction mais avec assez de relent d’alcool que pour abreuver une demi-douzaine de cocktails (à Mademoiselle Leroy, cf. intro)…Preuve que Spa n’est pas que le « festival des familles » et se retrouve assez logiquement à croiser genres musicaux et tribus bien au-delà de ses fondements chanson française: allant désormais de la variété plissée Michel Drucker (Calogero, Christophe Maé) au rock-electro-chose en passant par le rap. Pas seulement celui du fils de Pierre Rapsat avec Dope ADN (…) ou de Stromae (carton prévisible), mais aussi celui de l’ex-Starflam, Kaer. Le Kid de Quito explore ses racines avec son projet Versatil, bien épaulé par cinq musiciens plus un chanteur cubain, ce dernier évoquant une version junior de Lenny Kravitz. Ils sont récompensés par les Franc’Off et armés d’une furieuse envie de faire coucher le hip hop avec les secousses latinos, cuivres compris: le bébé est, paraît-il moins en forme que lors de la prestation de la veille, mais à une heure de l’après-midi, il parvient à déhancher la centaine de spectateurs tout au bout du Parc. Qui, avec le brouillard artificiel en provenance de la scène, évoque plus un plateau de Lost qu’un festival musical. Peu importe, la bande à Kaer démontre beaucoup de conviction, quelques bons hooks de salsa hop rajeunie, et le désir de partager une histoire avec le public. Kaer, nerveux, s’est fait le matin même une crise d’angoisse parce qu' »une grosse Canadienne (sic) n’arrêtait pas de respirer bruyamment derrière moi lors de la conférence de presse des Francos. J’ai du sortir« . Là, en plein air, il a libéré son hyper-ventilation et l’entreprise incorporant un vieux tube de Starflam (La sonora) semble tout-à-fait digne de réchauffer l’hiver. A suivre.

Evitant la conférence de presse -et la grosse Canadienne bruyante– on a demandé à Charles Gardier, co-patron des Francos avec l’invisible Jean Steffens, de nous donner une conclusion perso. Ben il est ravi le Charles, notamment des 175 000 personnes devant les scènes, soit la deuxième meilleure fréquentation depuis les débuts en 1994. Vu l’ignoble météo plus que belge, cela s’avère tout-à-fait bien. A la fameuse question à 5 euros, celle sur « L’identité du festival et son côté familial« , Gardier réitère sa thèse: « On n’est le festival d’aucune tribu, personne ne peut dire « C’est notre festival ». Cela s’appelle juste de l’éclectisme: peut-on s’entendre sur le fait que la qualité de la musique est importante ? Je sais que cela fait du mal à une certaine presse « crédible » ou « élitiste » (sic) de dire du bien de ce festival, même si 95% de l’affiche est crédible à ses yeux. Et visuellement, on a fait un effort d’environnement avec les sponsors: plus de la moitié des banderoles ont été supprimées de la rue Royale« . Reste là, à notre humble avis, un peu de boulot de relookage pour ne pas transformer complètement les anciennes pierres spadoises en pub pour banque ou agence d’Interim. Mais il est vrai que les Francos se sont définitivement modernisées, adaptées aux goûts du jour, sans perdre leur côté sympa, assez loin de l’oppression sécuritaire et des prix flambés d’autres festivals que l’on ne nommera plus. En repassant par Verviers, où loge notre hôtel, on tombe sur Jacques Duvall, débarqué de la gare pour aller rechanter un bout avec Miam Monster Miam en fin de dimanche après-midi. Il est tout seul, avec son chapeau, près de deux ou trois cafés aussi attirants que la mouche tsé-tsé. « Je suis un peu en avance, Miam doit venir me chercher. Je vais aller boire quelque chose« . La vie d’artiste: fascinant, non?

Philippe Cornet

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