Critique | Livres

T.J. Middleton – Oh, my Dear!

Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

POLAR | Un chauffeur de taxi du Dorset tente de se débarrasser de sa bourgeoise. Une bonne comédie vinaigrée, à défaut d’un polar jouissif.

T.J. Middleton - Oh, my Dear!

Cet été, sur les plages, il ne faudra pas s’étonner de voir des vacanciers frissonner par 35 degrés à l’ombre. Ils seront sans doute en train de dévorer un des nombreux thrillers que les éditeurs auront judicieusement lâchés dans la nature à la veille des grandes transhumances. Car si le sirop sentimental reste un ingrédient essentiel du blockbuster estival, il est de plus en plus concurrencé par le confit d’hémoglobine.

De quoi rehausser les petits plats littéraires de haute saison, importés des quatre coins du monde, Etats-Unis en tête (Dark Horse de Craig Johnson chez Gallmeister ou Les Tricheurs de Jonathan Kellerman au Seuil).

Les Anglais ne sont pas en reste. On peut d’ailleurs compter sur eux pour glisser dans la marmelade quelques zestes d’humour noir, et donner ainsi à la préparation cette saveur exotique que l’on retrouve dans leur célèbre roast beef à la menthe. Le premier roman de T.J. Middleton, Oh, my Dear!, joue cette carte sucré-salé parfois déconcertante pour nos palais continentaux. Mais qui fait le charme de ces insulaires au tempérament bien trempé. Au propre et au figuré.

Chauffeur de taxi dans un bled perché au sommet des falaises qui surplombent la Manche, Al Greenwood ne supporte plus sa femme. Trop lâche pour provoquer un divorce, il décide tout simplement de la liquider un dimanche de pluie. Après l’avoir bien énervée pour qu’elle prenne la porte, il court se planquer au bord du plongeoir de granit, là où elle a l’habitude de venir contempler les flots. A l’arrivée du ciré jaune, il n’a plus qu’à pousser la silhouette encombrante dans le vide. Le crime parfait. Ou presque. Car quand il rentre chez lui un peu plus tard, sa femme l’attend dans le salon. Non seulement elle est bien vivante mais en plus elle est toute émoustillée…

Où était passée Audrey si elle n’a pas fait sa petite balade? Et qui a fait le grand saut à sa place? Les questions sans réponses s’accumulent pour Al, coincé entre son désir de sauver sa peau et un fond de culpabilité -sa victime pourrait bien être Miranda, soit sa fille illégitime! Rien ne se passera comme prévu évidemment. Et il faudra attendre les ultimes rebondissements de cette tragi-comédie pour dénouer les fils d’une intrigue mouvante comme un pudding.

Un brin décousu

Le principal mérite du livre tient à ses personnages hauts en couleurs, qu’on dirait sortis du film A Fish Called Wanda. Normalité et excentricité font ici bon ménage: Al chérit ses deux carpes plus que tout au monde, Kim son voisin promène sa femme en laisse. Sans parler d’Alice, dite la Fouine, vieille pie grincheuse qui surveille les allées et venues entre deux pétards, et qui va compliquer encore un peu plus l’équation de Al puisqu’elle l’a vu sortir en catimini le dimanche fatidique…

Parfois drôle dans ses répliques pleines de mauvais esprit et plutôt savoureux dans sa description de la cambrousse british, le roman ne parvient toutefois jamais à nous mettre le grappin dessus. On est loin du sarcasme ravageur d’un Joseph Connoly dans Vacances anglaises. La faute à trop d’invraisemblances, à un usage abusif de blagues aussi légères qu’un fish and chips et, plus gênant, à un manque de visibilité sur les motifs de Al, qui est aussi le narrateur. Du coup, on devient vite spectateur de ses déboires, plus préoccupé par la démangeaison du suspense que par le sort de ce loser. Un bon passe-temps pour une escale à Heathrow. Ni plus ni moins.

Oh, my Dear!, polar de T.J. Middleton, éditions Cherche Midi, traduit de l’anglais par Héloïse Esquié, 320 pages.

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