Les Rigoles

En à peine trois albums ( Les Noceurs, Les Amateurs et Panthère), le Gantois Brecht Evens s’est imposé comme le nouveau prodige de la BD européenne. Une réputation flatteuse assise sur un style flamboyant, baroque et poétique, sorte de spectacle pyrotechnique permanent capturant aussi bien Picasso, Chagall qu’Ensor dans son shaker d’aquarelles. Ces ingrédients tapissent Les Rigoles, dont l’arc narratif -le récit mosaïque d’une nuit de folie dans une grande ville- rappelle LesNoceurs, et les échappées récurrentes vers le fantastique la tonalité onirique de Panthère. Pavé de fulgurances graphiques tantôt intimistes, tantôt luxuriantes, l’histoire entrelace les trajectoires d’une poignée de personnages que la nuit engloutit. La géographie cinétique s’articule autour de quelques ports d’attache où se croisent ces destins: un restaurant branché et surtout le Disco Harem, boîte de nuit et temple arty de ce Pigalle impressionniste. Une fresque endiablée qui ne serait qu’un exercice de style virtuose si Evens n’ajoutait à sa vision une piquante et souvent hilarante observation des moeurs contemporaines, dialogues déjantés à l’appui. La nuit agit comme un accélérateur de particules, révélant les failles et les désirs. Comme chez Rodolphe, alias Baron Samedi, qui entame son marathon nocturne au creux de la vague et renaît en prince de la fête insatiable. Chaque planche explose à la figure ou au contraire aspire tout entier le regard, au rythme des pulsations frénétiques de cette jungle urbaine. Du grand art.

De Brecht Evens, Éditions Actes Sud.

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