Critique

Dys4ia, gameplay transgenre

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Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

AUTOBIOGRAPHIE | Dys4ia s’inspire de Wario Ware pour raconter le difficile parcours d’un changement de sexe. Explications avec Anna Anthropy, son auteur.

ÉDITÉ PAR NEWSGROUND ET DÉVELOPPÉ PAR ANNA ANTHROPY, ÂGE NC, JOUABLE EN FLASH GRATUITEMENT EN LIGNE SUR HTTP://TINYURL.COM/7CDQGHN

Call of Duty, Medal of Honor, Crysis, Battlefield… La plupart des blockbusters « triple A » de l’industrie du jeu vidéo ne se soucient guère de questions introspectives. Derrière le confort illusoire des shotguns et des drones de combat, la communauté des développeurs indés tente pourtant, dans l’ombre, de transformer des tranches de vie en gameplay. Pour sa quinzième édition, l’Independant Game Festival de San Francisco accueillait ainsi parmi ses nominés Dys4ia. Ce titre Flash faisait figure de petite révolution sur le show floor du salon californien. En jeu, l’histoire (vraie) d’une thérapie hormonale menant au changement de sexe de son auteur, Anna Anthropy.

« Les jeux actuels sont créés par des groupes de personnes très insulaires, le sexisme inhérent à l’industrie high-tech en est responsable », lâche la bouillonnante développeuse trans. « Il y a donc encore beaucoup de filtres qui poussent le jeu vidéo à rejeter ce genre de sujets. On reste souvent avec le même genre de jeux, par et pour le même type de public. » Si Dys4ia se démarque donc nettement des rayons des magasins de jeux vidéo, il n’en réutilise pas moins ses codes avec brio. Son auteure, également derrière deux livres exhortant les béotiens à développer des jeux vidéo, y recycle en effet les mécaniques ludiques de Wario Ware.

Blocage identitaire

En clair, le joueur se retrouve donc face à une série de micro-jeux d’arcade ne durant pas plus d’une dizaine de secondes. Bouclés par un épilogue optimiste, trois chapitres sous-titrés « bullshit » parlent des erreurs de l’identité sexuelle, du milieu médical et des hormones. Sur le premier niveau, le joueur tente ainsi de faire passer une brique de Tetris à travers un mur, en vain. S’ensuit un petit labyrinthe dans les toilettes des femmes où Anna Anthropy évolue comme un espion en mode infiltration.

Ces témoignages acerbes, sincères et parfois drôles se résument finalement à une expérience de jeu d’une dizaine de minutes. Mais la durée (considérée à tort comme une qualité par de nombreux joueurs) est ici inversement proportionnelle à son importance face à l’industrie du jeu vidéo. Passé sous le radar des médias mainstream depuis sa sortie il y a près d’un an, Dys4ia a toutefois enfanté une série d’autres titres transgenres fascinants comme Mainichi de Mattie Brice et Kim’s Story de Kim Moss.

De la recherche de la bonne clinique via un pseudo-jeu des sept erreurs aux faux tremblements de la souris sur un site Web de vente de médicaments, le jeu d’Anna Anthropy cerne parfaitement le parcours de sa créatrice. « Ce gameplay largement inspiré de Wario Ware était la forme la plus adaptée à mon propos. Ces tranches de jeu kaléidoscopiques illustrent parfaitement la façon dont mon corps n’arrête pas de changer, la métamorphose qui s’opère. » Et peut-être aussi un changement dans la mentalité de certains gamers.

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