Nineties, Night out

Petit retour sur le week-end version nocturne avec notre chroniqueur, un peu en mode nostalgie kitsch des années 90. Night in Night out, épisode 20.

Ca commence par un mail, dans la semaine. « Voulez-vous faire des interviews backstage? », disait la correspondance en question. Contexte? Une sérieuse envie d’aller humer l’atmosphère de la MNM Party Zone, samedi, à Forest National. Pour son entrée fracassante dans la quarantaine, le dinosaure du concert bruxellois s’était offert un line-up de Willy Waller 2006, avec des bonnes têtes de patates. Que des anciennes gloires de l’Eurodance, Technotronic en tête. En fait, après coup, me suis dit que le « Night in Night out » de cette semaine aurait largement pu se contenter de la playlist martelée samedi. Pas besoin de me tarabuster le cervelet pour faire drôle, spirituel ou informatif. Regarde: Tribal Dance de 2 Unlimited, Let a boy cry de Gala, Ecuador de Sash!, Samba de Janeiro de Bellini, ou mieux, Tu Tatuta Tu Ta de Pin-Occhio. Mais reste un peu quand même avant de fondre sur YouTube. Forest, samedi, c’était magique.

Corona? Présents! Gala? Présente! Haddaway? Il a un mot de ses parents. 2 Unlimited? Présents! Dr Alban? Il a piscine. Real2Real? Présents! M. People? En Afghanistan pour un séminaire. Technotronic? Présents! Snap? Ils ont poney. Culture Beat? Ils ont négociations pour un gouvernement. Sash? Présent. Ace of Base? Sur une île avec Michael Jackson et Elvis Presley. Stromae? Pas encore has been. Si tu es né(e) entre 1973 et 1983, à la grosse louche, ces noms doivent FORCEMENT faire clignoter à 5000 tours/minute les voyants un peu honteux de ton adolescence boum-garage. Celle des compilations Hit Box, Hit Connection, des langues qui se perdent maladroitement dans le gosier d’autrui, celles des Buffalos et des Palladiums, des Levis 501 et du Biactol. Alors, je pourrais la jouer blasouille, snobinard, revenu des haricots, mais non, tous leurs tubes, à ces mecs, je les connais encore par coeur. « Leila K I mean I take it easy, Drop raggamuffin’like me sittin’ pretty, Me got big chest come on me, Abracadabra me say open sesame! » Non ptéétr!! Bouya!!!

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« Voulez-vous faire des interviews en backstage? » m’interrogeait donc la responsable presse, dans son mail. « I’ll go with the flow si c’est possible, selon la vibration du moment » répondis-je diplomatiquement. Mets-toi à ma place. Mise en situation. « Bonsoir Gala, j’étais fan de Freed from desire. Parce que j’avais 15 ans. Voilà. Heu… Mais sérieux, t’étais où meuf depuis 1997? » L’angoisse de l’interview blanche. Samedi soir, 23h30. Une « zone de confort » s’étend autour de Forest National, histoire d’empêcher les participants de se garer dans les boîtes aux lettres des riverains. Parking de dissuasion avec navettes stibiennes, dans une zone industrielle gaie comme un Club Med en Tchétchénie. Inquiétude: on est trois, pour seulement deux tickets presse. Dans son mètre cube d’espace, la nana prend une demi-seconde pour réfléchir. « Pas de souci, amusez-vous bien. » Traduction: ouille, doit pas y avoir des masses de monde inside…

Pourtant, mon petit doigt, généralement bien introduit, m’avait soufflé que l’organisation espérait plusieurs milliers de nostalgiques. Genre 8000. Mais le seul 8000 que la soirée atteindra, c’est en années de service, en combinant l’âge des dames pipi et des responsables vestiaires. A minuit, le constat tombe, bien étonnamment pour un événement si pro: les penderies sont pleines, faudra shaker sa vie avec son écharpe, ses gants, sa veste et le gobelet en plastique dur rançonné à 2 euros remboursables en fin de parcours. Heureusement, quand les portes de la salle s’ouvrent sous nos sages saillies, une impression de « bienvenue dans la trente-huitième dimension » éclate instantanément sous nos mirettes incrédules.

J’ai 12 ans, je prends des photos pourries avec mon GSM. © Guillermo Guiz

Les gradins sont parsemés (à part un comptable, deux rabbins et l’inventeur de la tecktonic), mais le parterre déborde de partout. Doit bien y avoir 2000 têtes. Inoxydable, légendaire, espiègle en Réné la Taupe sous amphèts, Ray Cokes, figure tutélaire d’une MTV encore digne, balance tube sur tube, de Sing it back à Barbra Streisand, de We no speak americano au fabuleux No Good de Prodigy. Forest National, peu habituée aux surpattes géantes, bouillonne gentiment en attendant les plats de résistance. Ouille, un jogging rose en toile de parachute! Ouille, un tee-shirt Beverly Hills 90210! Excellent! Là, une farandole, et le sosie de Michel Boujenah qui fait du break-dance Wibra! Ça ruisselle de kitsch autant que de sincérité cette histoire. Les bichons, même les plus pimpés, sautent dans tous les sens. MNM Party Zone? Adoptée.

Minuit 18. Soundsytem en béton, light show à lasers grandiloquent, à la flamande, Gala déboule sur scène avec son band, batterie, guitare, clavier et bande-son pour muscler les trous. « Come, come, come into my life, Come, come, stay with me… » Mingano! Juré craché sur la tête d’une frite: on dirait du Roisin Murphy en solde, mais ça tient la route. Personne pour juger, tout le monde dans la même et embarrassante galère, ça chante (on chante), ça danse (on danse), nickel. Je crie. « Enooooormmme. » « Enorme oui, surtout de voir que Gala est encore en vie », ajoute malicieusement mon acolyte, relais éhonté des multiples rumeurs qui firent de Gala (Milan, 6 septembre 1975) le plus célèbre macchabée de l’Eurodance. Ouille, mourage de rire en live & direct, ce dimanche, à 14h53: je viens de tomber sur un groupe Facebook intitulé « J’ai cru à la mort de Gala en 1997 ». Uber-Lol. Forcément, Gala triomphe avec Freed from desire. Puis floppe douloureusement avec un nouveau titre, 14 mains en l’air dans la salle. « J’écris moi-même mes paroles, ce n’est pas juste de la dance-music », assure l’Italienne. Mais il est déjà trop tard.

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Puis Sash! (Nettetal, Allemagne, 10 juin 1970) est de retour, comme dans son track tout bof Encore une fois, avec trois danseuses à cuisses fermes et un clavier potiche. Là, ce qui servait de frontière entre le chouettement rigolo et l’éminemment pathétique commence doucement à prendre l’eau. Entre ses tracks de dance-transe commerciale et mal foutue, Sascha Lappessen se prend pour MC Hammer, enchaîne les attendus « Are you ready to party? » avec le plus audacieux « Are you horny?? » et le carrément à l’ouest « Do you want free alcohol??? » (???? WTF ?????). Sash! transpire tellement la beaufitude qu’on l’imagine fort bien à l’horizontale, à la nique, chapeau de cow-boy sur la tête en ramonant ses groupies au son d’un « po po po po po po », la version flandrienne de Seven Nation Army. Le public s’éteint lentement. Mais se rallume, notamment avec l’arrivée en fanfare de Ray & Anita…

Ok, présentés de la sorte, Ray (Amsterdam, 1971) & Anita (Amsterdam, 1971, tout pareil que Ray) te semblent probablement bien obscurs mais si je t’entonne « No no, no no no no, no no no no, no no there’s no limit », tout s’éclaire, nan? Le duo 2 Unlimited, rebaptisé entre temps pour une question de droits, a quand même écoulé vingt millions de plaques! Alors, évidemment, on se fait plaisir au resto, les hanches suivent le cours de l’inflation et si Ray, trois petites saucisses Zwan toujours aussi habillement déposées sur le crâne (« C’est Paul le Poulpe, non? », me glisse une nouvelle fois mon ami, décidément bien taquin), rappe encore comme au premier jour, Anita peine un peu à gérer son playback. Rien à faire cela dit, au diable la dignité, j’ai 12 ans ce soir, je fais des claquettes, papa, je peux dormir chez Cédric Lurmonte (on sera quatre), y’a Get ready for this, Jump for joy, Twilight Zone, No Limit, Tribal dance, que de l’un peu honteux, mais rien à battre, je connais personne ce soir!

L’honnêteté étant mère de toutes les vertus, sache-le pourtant: malgré l’enthousiasme dégagé par ce revival nineties, la formule marque assez rapidement ses limites. Passés les instantanés de l’Ultra Top et les joies éphémères du vieux beat enfui, l’ennui et la fatigue finissent par guetter un peu la foule. Même quand Technotronic et sa chanteuse (convaincante Ya Kid K., Kinshasa, 1973) débarquent avec l’acide Get up (canon, vraiment) suivi, un peu plus tard, du classique Pump up the jam. En plus, comme les plus funkys des alcools sur place, c’est le Bacardi Breezer et l’Eristoff Ice, j’ai encore toute ma tête pour comprendre vers 3h que, comme aimait à le dire Saint-François d’Assise en regardant Dix qu’on aime: « Point trop n’en faut mon bon Poncho. »

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Avec tout ça, j’en oublierais presque l’info tristesse du vendredi: Focus, ce Focus ici présent, l’incontournable news du Vif L’Express, n’a remporté qu’un bol de vent et l’opportunité de se démonter la gueule à coups d’open bar aux Merit Awards. Les radios de la RTBF raflent le titre de « Media de l’année ». Suis contrition. Mais bon, la Sweat Party qui suivit au Blaes 208 Aka le Fuse eut le mérite de démontrer, s’il le fallait encore, qu’être un chouette groupe ne fait pas forcément de ses membres de bons platinosophes. Les Norvégiens de Röyksopp ont vaguement poussé le disques entre minuit et 2h16, dans un set mièvre et vaseux, sous les yeux du monde fortement chemisé à carreaux de la pub belge. Ne mords pas la main de l’open bar qui te nourrit, dit le proverbe. Il n’empêche. Dernière chose, avant de vider les lieux, suis passé mercredi à l’Urban Café (Cimetière d’Ixelles) pour la soirée Blow. DJ Psar, qui s’envolait dans la foulée pour jouer aux États-Unis, y passe un sacré mix passé-présent-commerce-authenticité hip hop, rn’b, qui méritait d’être mentionné. Bon, j’ai encore tout mangé l’espace. Te dis à la semaine prochaine. Rideau.

Guillermo Guiz

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