Serge Coosemans

BX-Hell Underground (2) 1968-2013: Le virus heavy métal, avec Patchouli et Michel Kirby

Serge Coosemans Chroniqueur

DJ Kwak et Serge Coosemans partent cet été à la rencontre de figures s’étant dans un passé un peu oublié illustré au sein de différents undergrounds bruxellois. Le tout évidemment recouvert d’une bonne couche de zwanze…

Dans les milieux culturels autorisés, l’idée même de heavy métal entraîne généralement soupirs et consternations. Souvenirs d’une imagerie étouffe-chrétien lamentable. Cheveux sales ou, au contraire, soignés à la Farah Fawcett, doigts fourchus. Transfert freudien non négligeable du phallus au manche de guitare. Bedons à trappistes mal cachés par des t-shirts à la typographie aussi douteuse qu’illisible. Voiles et vapeurs, malgré le machisme de base, ce gros paquet dans le spandex. Montrer son cul au Petit Journal et pleurer sa mère comme Dave Mustaine. En 1991, le rock critic français Laurent Chalumeau écrivait dans son roman Fuck que le métal était fondamentalement « mâle, prolo, frustré et bruyant, rétif à toute édulcoration branchée ». Autant dire une musique de gueux, d’abrutis, de tordus. Le même Chalumeau précisait toutefois quelques lignes plus loin que « dans ses meilleurs moments, le Heavy Metal dit non. Non. Sorry. L’usine pour trois francs six sous, mal ou pas baiser, ressembler chaque année un peu plus à son père au même âge, le tout sans espoir que ça change, n’est PAS okay. Le heavy métal dit ça, et, ce disant, se dote de quelques échos prométhéens: non, ce n’est pas parce qu’on est blanc, laid et con qu’on n’a pas le droit de se fendre la gueule. Au contraire! Double dose. Double gnôle, double meufs. Pour compenser. Et que le vieux ne s’avise pas de venir réclamer sa bagnole avant qu’on ait fini. Le heavy métal est le seul à dire ça. Depuis 20 ans, cela ne tombe pas dans l’acné d’un sourd. »

Noise Metal fanzine N°2
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Les héros de notre podcast de la semaine, Patchouli et Michel Kirby, ne disent pas autre chose. Dans le genre métal, les genres en fait, la période contemporaine est peut-être un peu morne par rapport à certains âges d’or (les débuts de Black Sabbath, d’Iron Maiden, d’AC/DC, du hardcore new-yorkais des nineties…) mais personne n’a encore réussi à éteindre la magie. Ce rêve. Cette vocation. Ce mode de vie aussi, car quand on aime vraiment le métal, on écoute métal, on mange métal, on dort métal et, bien souvent, on fait aussi soi-même métal. Patchouli: « Sur 60.000 personnes qui assistent au festival Graspop chaque année, il doit bien y en avoir 40.000 qui ont joué dans un groupe à un moment ou un autre de leur vie. » À Bruxelles, c’est à la fin des années 60 que les acnéiques du cru se reconnaissent dans la musique de Kleptomania, la coulée continue locale. Patchouli y prend goût, dit très vite « non, sorry » à la norme et devient ce personnage bien connu du milieu musical belge: pigiste chez Rock This Town, fondateur de label, comparse de Jacques de Pierpont sur Rock-A-Gogo, ce monument d’un temps où la radio n’était pas un robinet à pubs entrecoupées de mauvaises chroniques et de musiques formatées. D’une dizaine d’années son cadet, Michel Kirby s’est lui métallisé au tournant des années 80, fan d’Iron Maiden et d’AC/DC, avant de lui-même frayer avec les trois plus belles légendes du secteur: 69, Channel Zero et Deviate. Des groupes bruxellois avec une réputation, une histoire et une stature qui mettent à l’amende beaucoup de poppeux actuels surmédiatisés, même si l’histoire officielle édulcorée du rock belge a de nos jours trop tendance à les considérer comme un épiphénomène d’une époque révolue. Plus sauvage, plus naïve, moins business-oriented. Plus saine, surtout.

Ce n’est pas vraiment fini, tout cela, juste un peu en stand-by. Comme nous disait Dan Mac Roll la semaine dernière, « il reste de la poudre, il suffirait d’une étincelle. » Michel Kirby: « Tu vas à Londres, il n’y a plus un seul magasin métal. Des magazines comme Kerrang sont aujourd’hui devenus des catalogues de produits. Il n’y a plus jamais un bon groupe sorti de nulle part en couverture. Les groupes suivent les normes. MTV est passé par là, la fusion des années 90 est passée par là. La période n’est pas terrible mais le métal, c’est un milieu qui a survécu à tout, avec le plus fidèle des publics. » « C’est une passion durable, rajoute Patchouli, un vrai virus. Personne n’est capable de tuer un rêve. » La suite en audio. Qui est partant pour une autre tournée de double gnôle et de double meufs?

BONUS: La playlist

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