Les game jams, ou comment développer des jeux vidéo en accéléré

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Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Loin du non-respect récurrent des deadlines du jeu vidéo mainstream, les game jams imposent une contrainte de temps drastique à leurs participants. Un phénomène en plein boom, comme en témoigne la Ludum Dare 28.

Vite fait, bien fait. Travailler sous la pression est devenu une habitude pour les participants de la Ludum Dare. Cette game jam (voir encadré) organisée trois fois par an donne en effet 48 heures (parfois 72) à des créateurs pour développer un jeu vidéo sur un thème donné. « Aléatoire », « Infection », « 10 secondes », « Vous êtes le méchant (avec une chèvre en option) »: les mots-clefs imposés depuis la naissance (en 2002) de ce concours sans prix ont révélé de nombreux talents. Le père de Minecraft s’y est ainsi distingué à sept reprises. Y compris cette fois-ci. Sans oublier Tyler Glaiel, le créateur de Closure, platformer utilisant le noir et blanc avec intelligence.

Doubt
Doubt© DR

« Vous n’en avez qu’un »: le thème de cette 28e édition a excité l’imaginaire des créateurs puisque 2000 titres ont été soumis au vote du public sur le site de l’organisation le mois dernier. Gratuites et ne pesant qu’une poignée de Mo, ces micro-productions évitent l’artifice de la technique pour se concentrer sur le fond. Gameplay, histoire et/ou respect du thème imposé sont donc les points essentiels qui ont permis à One Take (voir chronique dans le Focus du 17/01), de remporter le grand prix de cette cuvée.

Monochrome d’Apoorvaj, le lauréat de la catégorie « Humeur » raconte, lui, à la manière d’un Jason Rohrer l’attachement d’un vieil homme pour son épouse décédée en décolorisant progressivement les objets qui l’entourent. D’autres projets comme le Doubt de rxi prennent une tournure plus onirique en livrant une errance labyrinthique en vue de profil. Poursuivi par un chat, ce faux platformer a été récompensé pour ses visuels en pixel art élégants et filiformes.

Senile Santa, Cute Kids & Ruthless Rudolph
Senile Santa, Cute Kids & Ruthless Rudolph© DR

Le Père Noël est une ordure

Comme ses congénères, ce titre aux visuels proches de Sword & Sworcery ne se profile toutefois pas comme un « vrai » jeu vidéo. Mais plutôt comme un concept de départ sujet à des développements ultérieurs. De nombreux projets ont ainsi poursuivi leur vie après leur participation à cet événement de « développement de jeu vidéo accéléré ». Les récentes sorties indé douées comme Gods Will Be Watching (voir notre chronique dans le Focus du 10/01), Evoland et Papers, Please (voir chronique dans le Focus du 17/01) en témoignent.

« You only get one », thème imposé de cette 28e édition des Ludum Dare (organisée à la fin de l’année dernière), n’a en outre pas été le seul facteur influençant les codeurs artistes en lice. Les fêtes de fin d’année se sont ainsi invitées avec humour dans Senile Santa, cute kids & ruthless Rudolph de Pol Clarissou. Objectif: se glisser dans la peau du Père Noël pour offrir un cadeau à un kid à choisir parmi quatre. Au joueur ensuite de protéger ce dernier des coups de poings des autres enfants avec Rudolph, un renne boxeur…

Last Chance Supermarket
Last Chance Supermarket© DR

Loin d’être un rendez-vous pour débutants, les Ludum Dare ont aussi récompensé Markus Persson pour son Last Chance Supermarket dans la catégorie « Fun ». Huit poêlons, trois guirlandes électriques, six imprimantes… Ce jeu d’arcade vu en mode FPS demande d’attraper convulsivement des objets dans les rayons chaotiques d’un supermarché en martelant la barre espace du clavier. Le tout en évitant d’autres clients, tous emmenés dans une folle course aux cadeaux. En cas de collision, la mort est au rendez-vous. Les rires aussi.

Game jam, c’est quoi?

Dopées par le retour du low tech dans les jeux vidéo notamment grâce au boom des smartphones et des tablettes, les game jams font leur come-back et se multiplient depuis quelques années. Le temps et le thème ne sont pas les seuls facteurs encadrant ces rassemblements de développeurs travaillant à domicile, ou dans des lieux désignés. Ces derniers aiment aussi s’imposer des limites techniques en mode rétrogaming notamment sur le No Future Contest. Ce concours organisé l’été dernier au centre culturel Visage du Monde de Cergy (au nord-ouest de Paris, dans le Val-d’Oise) est loin d’être un cas isolé dans le paysage francophone puisque la Retro Game Jam de Montpellier crépitait en novembre dernier. Parmi les participants, Eric Chahi et Frédéric Raynal qui ont pondu le très moyen Killer Bunny Hunter.

Les créateurs respectifs des légendaires Another World et Alone In the Dark y testaient surtout leur capacité à travailler ensemble. Car la participation à une game jam n’est pas motivée que par les seules raisons d’apprentissage, de rencontre voire de tremplin façon Ligue d’Impro. Certains pros en profitent ainsi pour faire une pause au milieu d’un projet ou pour tester une idée de game design. En Belgique, on retiendra que l’événement le plus couru reste la Global Game Jam. Attendu du 24 au 26 janvier prochain, ce concours est surtout installé en Flandres où l’année passée il s’était posé à Gand mais aussi au Winkelhaak, en plein centre d’Anvers (un des 300 sites de l’événement organisé dans 67 pays de par le monde). A vos claviers…

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