Aeroplane, welcome aboard dear passengers

© DR

Après avoir créé le buzz avec une série de remix fameux, Aeroplane sort enfin son premier album. De la « ciccio pop » de haut vol, élégante et vicieuse à la fois. Et un concours décoiffant à la clé.

C’est un fait: là où le rock made in Belgium a toujours eu du mal à trouver un quelconque écho à l’étranger, la musique électronique a, elle, régulièrement percé. De Front 242 à la New Beat, de Technotronic à Stromae, de Telex aux 2 Many DJ’s… Dernier arrivé en date: Aeroplane.

Le buzz est international. Il démarre il y a quelques années déjà. Avec une première série de maxis d’abord (Aeroplane/Caramellas en 2007). Et puis, surtout, une volée de remix de haut vol, pour le compte notamment des Anglais de Friendly Fires (Paris), de Robbie Williams ou encore de Grace Jones. On parle balearic, nu disco…

En 2009, quand on rencontre pour la première fois ce qui est encore un duo formé de Vito De Luca et Stephen Fasano, deux Italos-Belges de la région de l’Entre-Sambre-et-Meuse, un premier album est dans l’air. Un exercice qui n’est pas toujours évident pour des DJ’s. Sauf que les intéressés bottent déjà en touche: le disque sera d’abord pop, avant d’être destiné à la piste de danse.

Un an plus tard, force est de constater qu’Aeroplane a tenu sa promesse. Quand on retrouve Vito De Luca, il explique: « C’est clair qu’on ne voulait pas faire un disque pour le club. L’idée était d’aller vers des choses plus cinématiques, plus proches de mes vraies références: soit la pop de la fin des années 1970, début 1980. Jusqu’en 1986, 1987 en fait. Après, à part le hip hop des années 1990, cela commence à déconner. Le reste, je n’écoute plus vraiment. »

La révélation

Ce n’est pas tout à fait vrai. De Luca (né en 1982) confesse avoir sévi, ado, dans des groupes rock hardcore et porté comme tout le monde des t-shirts Kurt Cobain. « Une copine avait reçu Homework, le premier album de Daft Punk, pour son anniversaire. Mais comme ce n’était pas Nirvana, elle ne voulait rien savoir. Du coup, elle me l’a filé. Je suis rentré chez moi et je me suis pris la claque de ma vie! A partir de là, j’ai commencé à fouiller, à me rendre compte de tout ce qu’il y avait derrière, et que je n’avais jamais pu voir, avec tous mes cheveux dans le visage. » La maman est ravie: au lieu de traîner dehors, le jeune Vito reste enfermé toute la nuit dans sa chambre pour chipoter sur son ordinateur. « Elle était moins contente quand elle me trouvait toujours éveillé à 6h30, en ayant cours deux heures plus tard… »

La techno n’est pas trop son truc, Vito De Luca préférant creuser du côté de la disco et de la house. « Farley Jack Masterfunk, Silk Hurley ou des tubes comme le Follow Me de Aly Us… » Plus tard, il ouvre un magasin de disques à Namur. C’est là qu’il croise Stephen Fasano. De quelques années plus âgé, lui a connu et vécu la new beat, l’acid house… Il joue aussi comme DJ (à la Petite Fugue à Charleroi notamment, avant d’organiser ses propres soirées). Les deux commencent à croiser leurs expériences et se retrouvent notamment autour de la scène nu-disco. Après deux premiers projets, ils se permettent ainsi de descendre autour des 100 BPM. Le morceau est intitulé… Aeroplane.

Divorce

Aujourd’hui, le duo a fait long feu. Au printemps dernier, alors que la sortie de l’album était enfin annoncée, Vito De Luca informait qu’il restait seul maître à bord. « Au départ, avec Stephen, on avait un équilibre qu’on a perdu avec le temps. Musicalement, on partait dans des options différentes. Or c’est moi qui écrivais toutes les musiques. Du coup, naturellement, le projet partait plutôt dans ma direction. Auparavant, il y avait eu deux, trois autres indices. On a par exemple commencé à donner des Dj set seul. On s’est rendu compte qu’on était meilleur dans ces moments-là. Alors qu’à une époque, c’était l’inverse: on était plus fort à deux. Je me souviens aussi d’un remix pour Breakbot que j’avais réalisé de mon côté. A la fin, je me suis demandé quoi faire: l’envoyer à Stephen et le recommencer si cela ne lui plaisait pas? Un soir, on jouait au bord du Loch Ness. Après le gig, on a eu une longue discussion. On s’est tous les deux rendu compte qu’on ne pouvait pas continuer comme ça ».

Sans rentrer dans les détails, Stephen Fasano confirme. « A la base, on était très complémentaires: Vito écrivait les musiques et moi, j’arrivais avec des idées de productions, de structures, de direction artistique… Mais ce qui était une force est devenu de plus en plus compliqué à gérer. Cela étant dit, il n’y a aucune amertume. Je suis très fier du disque qu’on a fait, qui ne ressemble à rien de ce qu’on peut entendre aujourd’hui. »

Entre-temps, Stephen Fasano a lancé son propre projet: The Magician (avec la tenue de scène adéquate, qu’il a fait réaliser par Café Costume, le fameux tailleur anversois). Un premier EP est notamment en préparation. Musicalement, il devrait piocher allégrement dans le son des années 1980, la pop, l’italo-disco… Un peu comme Aeroplane, en fait… « C’est normal, je ne vais pas commencer à faire de la techno. Mais si les influences de base sont les mêmes, cela sonne malgré tout très différent d’Aeroplane. »

Rocky

En attendant, voici donc We Can’t Fly, premier album d’Aeroplane. Enfin. Cela faisait en effet plusieurs années que les maquettes étaient prêtes. Vito: « Quand les remix ont commencé à marcher, tout s’est accéléré, et on ne trouvait jamais vraiment le temps de s’y mettre. Cela dit, le vrai problème a été de prendre les bonnes options. Tout à coup, on avait accès à un tas de possibilités. Au bout du compte, on a fait le choix de la… difficulté. Par exemple en prenant le parti de faire des prises entières: tout est joué, même les synthés. Quand une guitare tenait sur tout le morceau, on la faisait d’une traite, sans la redécouper par après. Même si cela demandait 40 prises. »

Au passage, Aeroplane s’est tout de même adjoint les services du Français Bertrand Burgalat (le label Tricatel). « Il a été très important. J’avais peur que l’on se perde en studio. Je sais jouer du piano, mais je ne sais pas comment enregistrer un piano. On avait besoin de quelqu’un qui sache comment manoeuvrer. »

Au final, ses parti pris esthétiques auront beau susciter le débat, We Can’t Fly ne manque pas de panache. Chaleureux, ultrapop, souvent à la limite du second degré, il multiplie les références 80’s. Là c’est Moroder qui pointe le bout du nez, ici c’est la musique de La Boum que l’on croit reconnaître (The Point Of No Return)… « C’est vrai que pour l’instant, je suis dans une phase très kitsch. Genre Catch the Fox de Den Harrow ou USSR d’Eddy Huntington… Tous ces trucs qui étaient n°1 à l’époque et que tout le monde a oubliés, mais qui sont des grands morceaux pop pour moi. Et puis, quand j’avais 4, 5 ans, ma mère écoutait tous les gros chanteurs italiens, qui ont fini par être produits par les mecs qui faisaient de l’italodisco en 1982. Après, cela peut sonner cheesy ou un peu limite, mais ces gars ont vendu des millions de disques! »

Avec Without Lies, Aeroplane se permet même de reprendre Sans Mensonges, sucette pop chantée à l’origine par Marie Gillain sur la BO de Mon père ce héros. « Quand je prends une référence, j’aime bien que ce soit à la limite de la caricature. Cela doit être le plus proche possible du son de l’époque. Derrière ce qui peut paraître aujourd’hui comme de mauvais goût, il y a une démarche puriste. Without Lies est volontairement très proche de l’original. Les percussions sont au même endroit, la ligne de basse est au plus près, la grosse caisse est identique, sauf qu’on a tout rejoué. »

Au passage, Vito De Luca souligne encore une fois sa passion pour les bandes originales de film. « J’adorerais écrire pour le cinéma! Pour chaque morceau de l’album, j’avais des images en tête. My Enemy, par exemple, c’est une course de bagnoles. Superstar, c’est une ambiance de backroom, avec des rails de coke, et le gars étalé dans un coin, en train de faire une overdose… En fait, pour moi, une BO comme celle de Rocky est aussi culte que le Dark Side Of The Moon de Pink Floyd! Tout le monde connaît la musique du générique des Grosses Têtes. Mais il faut écouter tout le reste. Cette BO est incroyable! »

A la fois élégant et complètement vicieux, We Can’t Fly navigue ainsi sur une ligne ténue. Un vol risqué, mais qu’Aeroplane a pris soin de réserver en première classe. Chic.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Aeroplane, We Can’t Fly , Eskimo/News.
En DJ set, le 16 octobre au Libertine/Supersport (Bruxelles).
http://www.myspace.com/aeroplanemusiclove
Pour gagner une initiation au pilotage pour deux personnes en simulateur de vol, en compagnie d’Aeroplane, c’est ICI que ça se passe.

The Magician jouera au même endroit le 10 novembre. www.myspace.com/stephenthemagician

Laurent Hoebrechts

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content