L’argent s’expose à la Monnaie de Paris
Un clic à peine suffit à s’immerger dans les méandres de la réflexion artistique consacrée à l’argent. En optant pour la formule Internet, la Monnaie de Paris offre aux internautes l’opportunité d’appréhender les relations tumultueuses entre or et art, croquées par une cinquantaine d’oeuvres picturales, plastiques ou vidéo. Des débuts sérigraphiques d’Andy Warhol à l’éphémère immatériel de Tino Sehgal, en passant par le génie démago-subversif de Serge Gainsbourg, Art et Argent, liaisons dangereuses retrace 50 ans de réflexion artistique sur le système capitaliste, ses paradoxes et ses dérives. L’exposition s’articule autours de 7 thématiques, dont une salle de conférence consacrée au point de vue d’un acteur du « monde de l’art », critique, sociologue ou encore galeriste. Le côté virtuel de l’exposition lui confère une dimension interactive, le visiteur pouvant y exprimer ses opinions, participer à des jeux, ou encore interpeller le conférencier du mois. Petit tour de galerie.
N.P.
À voir surexpo.monnaiedeparis.fr
Instrument d’aliénation ou objet de fascination, l’argent n’en reste pas moins une source d’inspiration aux vertus équivoques. À travers I’ve Got It All, Tracey Emin exprime toute l’ambiguïté du rapport de l’art à l’argent. Entre perversion de la création et fécondité inspiratrice, la machine à billet tourne à deux vitesses.
Dans la hiérarchie vitale, l’acte de vendre et d’acheter se serait-il substitué à celui d’inspirer et d’expirer? Les aphorismes dénonciateurs de Barbara Kruger se joignent au Baiser de l’Artiste de la plasticienne Orlan pour vilipender le mercantilisme rampant de notre société.
L’argent se diffuse, infiltre jusqu’au plus hermétique des sanctuaires. Vecteur d’échange par excellence, il lie le monde en une matrice tentaculaire, réduit toute chose au maillon d’une cotte inextricable, et nous emporte dans le flux houleux des spéculations carnassières. De l’impérialisme monétaire vu par Wolf Vostell à la matérialisation de la sensibilité telle que l’imaginait Yves Klein, l’art investi les veine de l’organisme planétaire.
Et si ce n’était pas l’argent qui corrompait l’art, mais l’inverse? Justine Smith, entre autres Scott Campbell et Yvan Plusch, détourne la pièce et le billet pour en révéler la valeur symbolique. Une arme mortelle faite de papier, une liquidité visqueuse aux relents d’hydrocarbure, la vanité, dans son linceul mortuaire…
Le capitalisme repose sur l’abondance et la sérialisation. L’art, sur la rareté et l’unicité. Deux valeurs antinomiques pourtant réunies au sein de la sphère marchande, la réception d’une oeuvre passant nécessairement par sa diffusion, et donc, sa « mercantilisation ». Une relation incestueuse mise en couleur par les aphorismes de Ben et autres ventes aux enchères de Claude Rutault.
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