Ysaline Parisis

Jeu de rôle

Ysaline Parisis Journaliste livres

Jolie infirmière, petite princesse ou machine à fantasmes sans cerveau, les actrices auront vu défiler à Cannes une panoplie connue. Et nauséabonde.

La chronique de Ysaline Parisis

On ne parle pas de ce qui s’est passé devant ou même derrière les caméras de cette édition 2012 -les rôles intenses endossés par les actrices, les prix qu’elles ont reçus, ceux qu’elles ont attribués depuis un jury respectant la parité. Mais plutôt de ces quelques sorties qui, censément « piquantes » ou « un poil conservatrices » de l’aveu même de leurs auteurs, auront créé le malaise en coulisses.

Prenez l’article (anonyme, évidemment) qui faisait l’appel en cover du magazine Transfuge spécial Cannes. Un papier à l’intitulé peu équivoque –Ces jeunes actrices françaises pas sexy– qui, tout en gesticulations et sarcasmes, regrettait que le cinéma français soit désormais entre les mains, non plus d’« Eve lascives », mais de comédiennes mettant en avant le « bio » et le « naturel », donc au « sex-appeal proche du zéro », avant de reconnaître à « la Seydoux » (joyeusement réifiée au passage), seule exception française, des vibrations « bestiales » et « primitives » et d’affirmer que, si la jeune femme fait bien figure de sex-symbol, c’est en tout cas « quelque chose qui la dépasse », lui niant de fait toute latitude d’en jouer consciemment. Alors qu’on n’en finit pas de saluer la prouesse d’un Robert Pattinson qui, s’étant affranchi du poids de sa belle gueule carrée, peut désormais enfin prétendre faire ses preuves en tant qu’acteur, les actrices ont semble-t-il eu à essuyer de vrais coups de massue primaires (moi Tarzan, toi Jane) sur la Croisette.

Comme cette sortie de Bérénice Béjo sur France Inter, maîtresse de cérémonie que l’on interpellait sur ce rôle de figuration largement laissé aux femmes, et qui eut cette réponse affolante de premier degré: « je pense qu’il y a des choses que les femmes font mieux, peut-être, que les hommes. Il y a beaucoup plus d’infirmières que d’infirmiers. C’est le côté, je pense, maternel, la douceur d’une maman. Maîtresse de cérémonie, il y a un côté comme ça, conte de fées. Le festival, la porte qui s’ouvre et la jolie petite princesse qui sort. » Salope qui s’ignore ou petite princesse: la femme aurait pu laisser tomber son cerveau -ce vieil atout surfait- sur les marches, pour un peu, personne ne le lui aurait fait remarquer.

La barbe!

Jusqu’à ce que Virginie Despentes, Fanny Cottençon et Coline Serreau, trois actrices-réalisatrices membres du collectif La Barbe, se fendent d’une tribune dans Le Monde intitulée A Cannes, les femmes montrent leurs bobines, les hommes leurs films dénonçant que, sur les 22 films de la sélection officielle, tous avaient été réalisés –« heureux hasard »– par des hommes. Parce que, oui, l’autre malaise à Cannes, dont les saillies précitées n’étaient que les émanations anecdotiques et sulfureuses, c’était décidément l’absence de réalisatrices en compétition. Ce dont les trois comparses, ironiques et virulentes, s’emparaient pour ouvrir une polémique bienvenue: « Cette sélection exemplaire est un signe fort envoyé à la profession, et au public du monde entier. (…) Surtout ne pas laisser penser aux jeunes filles qu’elles pourraient avoir un jour l’outrecuidance de réaliser des films et de gravir les marches du Palais autrement qu’au bras d’un prince charmant. » Décidément, tout était loin d’être rose, au royaume de Cannes…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content