Polar scandinave culte de feu Stieg Larsson, Les hommes qui n’aimaient pas les femmes, le premier tome de la sombre, dure et dérangeante trilogie MillEnium, débarque le 20 mai dans nos salles. Nous avons soumis Mikael Blomkvist (Michael Nyq vist) et Lisbeth Salander (Noomi Rapace) au même interrogatoire.

On le présente comme le George Clooney scandinave mais le mythe est vite brisé. Quand on débarque dans sa chambre d’hôtel, Michael Nyqvist se bat avec une machine à café. What else?

Comment avez-vous découvert MillEnium ?

Enormément d’agitation a accompagné sa sortie en Suède. Tout le monde ou presque a lu ces bouquins. Je comparerais l’engouement à celui qu’a pu susciter le Da Vinci Code. Moi, j’ai fait mon snob. Je n’ai pas lu les romans. Et quand on m’a proposé le rôle de Mikael, j’ai d’abord refusé. J’avais peur de m’embarquer dans un film trop commercial avec des gens qui cherchaient avant tout à exploiter un filon. A tirer profit d’un grand succès littéraire.

Que représente à vos yeux Stieg Larsson?

Il incarne la justice pour les faibles de nos sociétés occidentales. Pour les autres aussi. Il a combattu l’extrême droite, le racisme, les nazis à travers ses écrits dans le journal Expo. Il a lutté contre toutes les formes de discrimination. A commencer par le sexisme. Larsson nous a montré ce que nous refusions de voir. Les viols, l’inceste. Une société suédoise brutale.

Comment expliquez-vous le succès de la trilogie?

En Suède, nous avons vécu deux catastrophes mettant la démocratie en danger. Tout d’abord, un de nos Premiers ministres (Olof Palme) a été assassiné (en 1986) et son meurtrier n’a jamais été retrouvé. Ensuite, la police secrète, liée au parti social démocrate, a découvert une cinquantaine de dossiers concernant des informateurs suédois de la Stasi mais leurs noms n’ont jamais été révélés. Ces événements ont fâché énormément de citoyens. Nourri leur désir de justice, de transparence. Quand les Suédois vous parlent de Millenium, ils ne s’appesantissent pas sur le thriller, ils insistent sur le fait que des gens mettent une société corrompue sens dessus dessous à l’aide d’un bic et d’un ordinateur.

Les deuxième et troisième tomes ont failli n’être adaptés (montés) que pour la télé. Une explication?

Quand on a la possibilité de réaliser trois bons films de cinéma, on ne s’en prive pas. C’est la télévision qui a longtemps refusé cette éventualité. Moi, je suis très heureux de la tournure des événements. L’idée de Stieg était d’écrire dix bouquins consacrés chacun à un personnage: la petite amie de Lisbeth, ma maîtresse Erika, une jeune fille qui travaille pour le journal… C’est pour cette raison que les trois volets existants sont fondamentalement différents. l

Pour devenir Lisbeth, elle a taillé dans ses cheveux, suivi des cours de boxe, passé son permis moto et s’est fait poser des piercings lui rappelant son passé punk. Actrice autodidacte, Noomi Rapace semble promise à un grand avenir.

Comment avez-vous découvert MillEnium ?

J’ai lu ces trois livres environ deux ans avant qu’ils sortent. Je me suis tout de suite attachée à Lisbeth. Quand j’ai vu qu’on allait en faire un film, je me suis dit qu’il s’agirait d’un rôle fabuleux mais qu’on ne m’appellerait jamais. Qu’on chercherait quelqu’un de plus masculin. Androgyne. Quand je lis un livre, je me mets toujours dans la peau de l’un des personnages. Même s’il s’agit d’un homme de 50 ans. J’ai très vite compris Lisbeth.

Que représente à vos yeux Stieg Larsson?

Le courage. Certaines personnes le détestaient. Sa tête a été mise à prix mais il s’est toujours battu pour ce qui lui semblait juste. Je pense qu’il a toujours poursuivi son rêve. Toujours fait ce qu’il voulait. Il a écrit sur le nazisme et toutes ces choses que la Suède ne voulait ni écouter ni entendre. Parce que mine de rien, il y a beaucoup de racisme dans notre pays.

Comment expliquez-vous le succès de la trilogie?

J’ai beaucoup de mal. Je me demande parfois s’il ne s’agit pas d’une maladie, d’un virus qui contamine le monde. Plus sérieusement, Stieg Larsson était journaliste et on le ressent vite à la lecture de Millenium. Il voit la Suède et la société d’un £il très critique. Et c’est dans ce même ordre d’esprit qu’il observe les politiciens, la police, la justice. Le personnage de Lisbeth a aussi, à mon avis, contribué au phénomène. Parce qu’elle est opprimée et qu’elle ne se laisse pas faire. Parce qu’elle est une victime, qu’elle a été mal et brutalement traitée par toute la société, son père, tous ceux qu’elle a rencontrés. Et que malgré tout elle refuse de perdre et de baisser les bras.

Les deuxième et troisième tomes ont failli n’être adaptés (montés) que pour la télé. Une explication?

Dès le début, j’ai clamé qu’il était stupide de ne pas concevoir avec pareille histoire trois films de classe mondiale destinés au cinéma. Michael et moi avons critiqué ce comportement. Je pense qu’il s’agit d’un manque de cran. Une fois que tous les pays se sont bousculés au portillon du distributeur suédois, les choses ont changé. l

Entretien Julien Broquet

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