Critique

Critique ciné: Avant l’hiver

Avant l'hiver - Kristin Scott Thomas et Daniel Auteuil © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME | Daniel Auteuil est admirable dans un film sobrement douloureux, qu’il domine un peu trop peut-être…

Les roses sont rouges, et arrivent en bouquets anonymes. Au domicile de Paul, à l’hôpital où il opère, au cabinet où il reçoit ses patients. Le neurochirurgien n’aime guère ces fleurs qui l’envahissent, tel un hommage non désiré, un signal non décrypté qui dérange la routine d’une existence aussi confortable que devenue ennuyeuse. Paul a 60 ans. Il se sent gris, usé. Sa luxueuse maison lui semble froide, comme s’est refroidie sa relation avec une épouse pourtant sublime, intelligente et belle. La couleur rouge des fleurs le dérange mais aussi le trouble. Et il fait le lien avec cette jeune femme d’à peine 20 ans qui ne cesse de se retrouver sur son chemin. Par hasard ou pas…

Daniel Auteuil est Paul. Il trouve en ce personnage profondément dépressif un de ses meilleurs rôles de maturité. Le grand acteur, superbe jusque dans ses silences (1), creuse le mal-être du médecin avec le scalpel d’un talent libéré de toute inhibition. Il restitue admirablement la mortification de Paul, les tentations que la panique des années qui filent, les sentiments éteints, les défaites de la vie, font soudain naître en lui au point de vaciller, au risque de tout perdre…

Masculin/féminin

L’atout principal d’Avant l’hiver est aussi, paradoxalement, la limite du film de Philippe Claudel. La création intense d’Auteuil aurait mérité la caméra d’un Claude Sautet, celle du romancier devenu réalisateur n’ayant pas l’absolue justesse de celle du cinéaste de Max et les ferrailleurs. Et si Kristin Scott Thomas est comme à son habitude impeccable dans le rôle de l’épouse stoïque, délaissée, si la jeune Leïla Bekhti sait faire percevoir les failles de son personnage d’obscur objet du désir, le film souffre d’un déséquilibre qu’une construction par trop appliquée finit par souligner. Reste que l’étude de caractère, de milieu et de génération fait sens. Celle des rapports homme-femme aussi. Philippe Claudel avait réussi son passage de la plume à l’écran voici cinq ans dans Il y a longtemps que je t’aime, César du meilleur premier film où jouait déjà Kristin Scott Thomas. Son Avant l’hiver n’est pas de la littérature mise en images, mais du cinéma, à part entière. Même si cette oeuvre marquera surtout par son interprète principal, fabuleux.

  • DE PHILIPPE CLAUDEL. AVEC DANIEL AUTEUIL, KRISTIN SCOTT THOMAS, LEÏLA BEKHTI. 1H42. SORTIE: 27/11.
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(1) IL FAUT LE VOIR EN CE MOMENT SUR LES PLANCHES DU THÉÂTRE DE PARIS, DANS LA PIÈCE INÉGALE D’ERIC ASSOUS NOS FEMMES, OÙ IL A POUR PARTENAIRE RICHARD BERRY, COMME DANS AVANT L’HIVER OÙ ILS SONT AUSSI COLLÈGUES, AMIS ET MÉDECINS… SES MOMENTS DE RETENUE, DE SILENCE, SONT TELLEMENT PLEINS QU’ON DIRAIT DES GROS PLANS DE CINÉMA, COMME SI LE REGARD ZOOMAIT SUR LUI. PRODIGIEUX!

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