Critique | Musique

Quakers, rap derrière le Barrow

RAP | Alors que Portishead s’apprête à enregistrer son quatrième album, Geoff Barrow déboule avec un projet hip hop gargantuesque, passionnant et old school.

QUAKERS, QUAKERS, DISTRIBUÉ PAR STONES THROW. ****
Écouter sur Spotify ou Deezer.

Il est quand même fort, ce Geoff Barrow. Quand il ne préside pas à la destinée de Portishead, prend ses distances avec les ambiances krautrock de Beak et laisse souffler la petite Anika, sorte de Nico des temps modernes qu’il a prise sous son aile, le génial quadra de Bristol s’aventure dans un ambitieux, plantureux et excitant projet hip hop. Une surprise? A moitié. Geoff Barrow n’est pas un rockeur. Et il ne l’a jamais vraiment été.

« Le hip hop est un peu mon punk à moi », déclarait-il d’ailleurs l’an dernier dans les colonnes de l’hebdo new-yorkais The Village Voice.

Samplé par RZA (Wu-Tang Clan), par Timbaland aussi, Barrow est un B. Boy. Gamin, dyslexique, il va peu à l’école. Il apprend la batterie, joue dans des groupes de rock qu’il dira plus tard abominables et se passionne surtout pour le rap. Traînant dans des battles de breakdance où se frottent des mecs hardcore, des gros durs, souvent sortis de prison… Piètre danseur, il finit par se procurer du matos et réaliser ses propres enregistrements.

Si Third a vu Portishead (qui soit dit en passant a invité Doom et Company Flow au festival ATP dont il a assuré la programmation) prendre ses distances avec l’étiquette trip hop, les scratchs et les rythmiques rap, le hip hop ronge toujours Geoff de l’intérieur. Et Quakers, une tuerie, est là pour nous le prouver en flinguant à tout-va.

41 morceaux, 35 gugusses…

Déçu par les productions hip hop contemporaines, Barrow, qui apparaît ici sous le pseudo de Fuzzface, a fait équipe avec l’ingénieur du son Stuart Matthews (7-Stu-7) et le producteur australien Katalyst pour donner vie à l’album rap de ses rêves: 41 morceaux, 35 gugusses. Dead Prez, Booty Brown (The Pharcyde), Aloe Blacc, Prince Po, King Magnetic, Jonwayne… Quelques noms déjà établis mais surtout un tas d’illustres inconnus qu’il a débusqués en fouillant sur MySpace. Des mecs qu’il n’avait jamais écoutés et dont il n’avait même, souvent, jamais entendu parler mais qui étaient évidemment prêts (tu m’Elton… John) à venir cracher leur flow de bandits sur ces tracks de la mort.

A une époque où les MC’s se fourvoient trop souvent sur des beats de ducasse, Quakers a valeur de remède avec son hip hop épique et ses samples old school. Sa liberté de tons et d’humeurs. Jobbles se la joue minimalisme agressif et flippant à la Odd Future. Sign Language est un rap funky fomenté avec mister I Need a Dollar Aloe Blacc… Là où Fitta Happier repose sur un sample de fanfare qui interprète le National Anthem de Radiohead.

Quelques morceaux instrumentaux figuraient déjà dans le film de Banksy Exit Through The Gift Shop dont Barrow a géré la BO mais le reste est flambant neuf. Et vachement grisant (écoutez Smoke, What Chew Want, Sidewinder et There It Is pour voir) même si ce disque aurait pu sortir il y a 20 ans… De quoi vous réconcilier avec le hip hop si tant est que vous lui avez un jour tiré la gueule.

Julien Broquet

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