Critique | Musique

CANT – Dreams Come True

ÉLECTROPOP | Le producteur-bassiste de Grizzly Bear, Chris Taylor, réussit son escapade solo avec un disque d’électropop sentimental à 2 visages.

Son CV est au moins aussi large que son sourire, timide et sincère à la fois. Chris Taylor est d’abord connu pour sa participation à Grizzly Bear: bassiste, il est aussi le producteur du groupe superstar indé, dont le Veckatimest avait fait forte impression (l’un des grands disques de 2009). Il a également présidé derrière les tablettes d’enregistrement pour des groupes comme les Dirty Projectors, Morning Benders, Twin Shadow ou encore sur le dernier Jamie Lidell. L’air de rien, Chris Taylor s’est ainsi imposé comme l’une des pièces centrales du grand échiquier indé américain (new-yorkais en particulier). Manquait une corde à son arc: son propre album solo.

Voilà qui est fait avec ce Dreams Come True, attribué au pseudo CANT, vrai-faux groupe. « Tout est parti de moi, mais dès le départ, je voulais que cela aboutisse dans un groupe. J’aime avoir des gens qui m’entourent, c’est plus amusant. » Ainsi, George Lewis Jr (alias Twin Shadow) a rendu la pareille et directement participé à la conception de l’album.

Ombres et brouillard

Un premier disque à soi, la trentaine tout juste entamée: la démarche peut sembler tardive. C’est comme si Taylor avait passé son temps à tourner autour. « J’ai toujours voulu essayer. Mais je n’arrivais pas à me retirer la pression: et si c’est mauvais? Je me rappelle d’une anecdote quand j’étais petit. Je devais avoir 3, 4 ans. On m’a offert un bouquin de coloriage. Je ne voulais pas y toucher tant que je ne savais pas colorier correctement, sans dépasser (rires). En cela, ce disque a été un grand combat contre toutes ces voix dans ma tête qui me disent de ne pas me lancer. »

Dreams Come True garde des traces de cette humilité, une forme d’understatement touchante. Parfois, la démarche sert aussi de prétexte pour faire tenir la mélodie sur 2 fois rien: « Je ne voulais pas brouiller le message. Cela aurait été très facile pour moi. Je suis producteur, je sais très bien comment rajouter des couches. Avec ce disque, je voulais au contraire que cela reste simple. A partir du moment où cela sonnait comme une chanson, on en restait là. »

Cela n’empêche pourtant pas Taylor de multiplier les angles. Le début de l’album étonne par ses côtés les plus directs, presque cheesy. The Edge, par exemple, est un morceau quasi soul, ballade qu’on aurait pu croiser chez Prince. Juste avant, Believe est peut-être la chanson la plus touchante du disque, la voix désarmante de Taylor se cachant à moitié dans le brouillard (« The things I haven’t told you, you won’t believe »).

Mais le bonhomme est aussi fan d’Arthur Russell (il a travaillé sur la compilation définitive du compositeur décédé en 92 du sida, Love Is Overtaking Me) et de son aptitude à avoir toujours mélangé accessibilité et tirades plus expérimentales. A la moitié du disque, les choses basculent donc un peu. La trame électronique se fait plus complexe, plus sombre, à la manière de Radiohead période Kid A, le morceau-titre par exemple prenant une couleur presque industrielle. C’est souvent réussi (She’s Found a Way Out), mais le ton devient plus froid et distant. Comme si Taylor lui-même avait été effrayé par ses audaces, sa mise à nu…

Laurent Hoebrechts

CANT, DREAMS COME TRUE, DISTRIBUÉ PAR WARP. ***
EN CONCERT LE 17/11, AU BOTANIQUE, BRUXELLES.

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